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provinces plus que jamais irritées ou mécontentes, une constitution mise en doute, une représentation publique démembrée. Le comte Potoçki et ses collègues se sont mis à l’œuvre avec cette pensée, que rien ne pouvait se faire que par la conciliation, et cette pensée, ils ne l’ont pas mise seulement dans leurs paroles, ils l’ont mise dans leurs actes, dans leurs premières tentatives, dans les négociations qu’ils ont ouvertes avec les dissidens, surtout avec les Tchèques. Ils se sont fait un programme que M. de Beust, comme chancelier de l’empire, s’est chargé récemment d’exposer dans une circulaire diplomatique. Au fond, il s’agit moins de toucher à la constitution existante et si débattue que de l’interpréter, de l’appliquer dans le sens le plus libéral, de l’étendre de façon qu’elle soit un cadre assez flexible pour que les droits des races diverses puissent se concilier, sans que l’intégrité de l’état en soit atteinte, pour que le Reichsrath, établi avec le consentement commun sur l’élection directe, soit désormais à l’abri de ces démembremens qui ont fait récemment son impuissance.

En d’autres termes, c’est à la constitution actuelle elle-même qu’on voudrait demander les moyens d’arriver à la solution des difficultés dans lesquelles se débat l’Autriche ou la Cisleithanie, de pacifier les antagonismes, de concilier tous les droits, tous les intérêts, dont le conflit fait de la politique autrichienne une perpétuelle énigme. Il fallait commencer par le commencement. C’est ce qu’on a fait en dissolvant d’abord toutes les diètes provinciales, celle de la Galicie, de la Styrie, de la Carinthie, de la Carniole, du Tyrol, etc. La diète de Bohême a été seule exceptée pour le moment, et cette exception s’explique, parce qu’on a voulu éviter d’envenimer les choses par une agitation électorale en se donnant le temps de préparer un arrangement, devenu moins impossible avec les Tchèques eux-mêmes. Des élections sont donc très prochaines, et c’est avec le concours des diètes nouvelles qu’on se propose d’accomplir le programme dont le dernier mot est la formation d’un Reichsrath nouveau par l’élection directe et l’extension de l’autonomie des provinces. Tout cela est assez compliqué, on peut en convenir ; par le fait, ce n’est pas plus compliqué que la situation même qu’il s’agit de pacifier, de régulariser en la réformant. Le remède est complexe comme le mal. Une chose est évidente, c’est la bonne volonté que manifeste le ministère du comte Potoçki, et à laquelle s’associe M. de Beust, d’étendre l’autonomie des nationalités diverses jusqu’à la limite où elle ne serait plus que du sécessionisme et où elle menacerait l’intégrité de l’empire. Le ministère cisleithan réussira-t-il ? A bien dire, la difficulté la plus sérieuse pour lui est dans les rapports à établir avec la Bohême et avec les Polonais de la Galicie. Les Tchèques résistent encore, ils ne se rendent pas si aisément, c’est à une politique patiente et libérale de les relier au faisceau commun. Les Polonais peuvent avoir leurs griefs ; au