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LA
SOCIÉTÉ DE BERLIN
DE 1789 À 1815
d’après des correspondances et des mémoires du temps publiés de 1859 à 1869.

II.

LES ORIGINAUX.[1]


On a souvent dit que l’amour du surnaturel et le goût du mystique se réveillent de préférence aux époques où le rationalisme semble triompher de la superstition. Le besoin religieux de l’homme, ne souffrant pas qu’on le supprime, cherche sans doute alors de nouvelles voies pour se satisfaire. L’Allemagne du xviiie siècle offre de nombreux exemples de cette disposition de l’esprit humain. Nulle part les Cagliostro et les Saint-Germain n’eurent de plus fervens adeptes que dans la patrie de Mesmer et de Lavater. Souvent les plus chaleureux amis des lumières y furent eux-mêmes les dupes, parfois aussi de dangereux apôtres de l’illuminisme et du mysticisme. Schiller a constaté, le premier je crois, un fait analogue et non moins général qui caractérise les temps de civilisation avancée. La passion pour la nature et le culte de l’originalité ne sont jamais plus exaltés qu’aux époques où les habitudes de raisonnement abstrait et la complication artificielle de la vie sociale ont paralysé la spontanéité des caractères, terni la fraîcheur des sentimens. Au mi-

  1. Voyez la Revue du 15 mars.