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mérite d’être cité en première ligne. D’autres statues voisines de celle-là révèlent peut-être une étude de l’antique aussi profonde, une expérience égale des conditions scientifiques de la sculpture : il n’en est guère qui se distinguent par un style aussi conforme à la nature particulière du sentiment, par un mélange aussi heureux de liberté et de retenue dans la manière. M. Hiolle nous semble appartenir à l’école ou plutôt à la race des Coustou, non pas qu’il affecte le moins du monde l’imitation matérielle de ces maîtres, mais parce qu’il trouve comme eux le secret de donner au marbre une certaine animation sans excès pittoresque. Un peu plus, il est vrai, et cette souplesse dans le modelé se rapprocherait de la mollesse, ces combinaisons de lignes décoratives prendraient une apparence tourmentée. Dans la mesure où elles se produisent, les inclinations et la manière de M. Hiolle demeurent à l’état de pures qualités. Son Arion est un morceau d’élite, un ouvrage aussi bien conçu qu’habilement exécuté, et dans lequel, — mérite assez rare, — l’unité de type et de nature est maintenue sans équivoque d’un bout à l’autre. Les bras vivent bien de la même vie, ils appartiennent bien au même être que les jambes et le torse ; la tête, au lieu de répéter une fois de plus les traits consacrés de l’Apollon ou de l’Antinoüs, a son caractère propre, son genre de beauté imprévu, et cette tête charmante suffirait pour démontrer ce que le talent et le goût de l’artiste ont de vraiment personnel, de correct et d’indépendant à la fois.

En choisissant le marbre pour reproduire sa jolie figure, un Vainqueur aux combats de coqs, que l’on voit depuis quelques années au musée du Luxembourg, M. Falguière devait nécessairement modifier la composition primitive et réserver dans ce bloc de marbre un point d’appui auquel l’emploi du métal l’avait dispensé de recourir. De là cette draperie qui s’enroule autour du bras droit et qui tombe jusqu’au sol, non sans quelque dommage pour la vivacité générale des lignes, pour le jet même de la figure et l’élan joyeux du mouvement. On sent qu’il y a là une pièce de rapport, un compromis entre les souvenirs de la première tâche et les conditions nouvelles qu’imposait la seconde ; mais, cela dit, quels reproches adresser à cet aimable ouvrage ? Il semble difficile que le ciseau puisse exprimer plus délicatement l’élégance et la jeunesse des formes, qu’il réussisse mieux à rendre les plus fins contours et les moindres détails du modelé. Que la statue sculptée par M. Falguière n’ait pas gardé dans l’aspect général cet accent particulier que le bronze avait permis de lui donner, la le veux bien ; toujours est-il qu’en changeant de moyens, l’artiste n’a rien perdu de sa verve, encore moins de son habileté, et qu’en rééditant ainsi son