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dira-t-on, à personnifier des fleuves, des vertus ou des souvenirs historiques par des figures mythologiques armées de leurs attributs, ou à réunir aux pieds d’une ville transformée en femme des agriculteurs, des trafiquans de divers pays, pour indiquer par là les labeurs féconds et l’activité commerciale de cette cité privilégiée ? Soit, mais sur ce thème prévu un peintre, pour peu qu’il ait le sentiment et la science de l’art monumental, peut trouver des variations intéressantes, comme en reproduisant sur la scène les aventures consacrées des héros de l’antiquité ou de la fable un poète dramatique peut en rajeunir la signification par sa verve propre, par la puissance de l’imagination personnelle et du style. C’est de cette docilité aux traditions vivifiées par les franchises de l’instinct et du talent que M. Hesse a fait preuve dans son nouveau travail. Tout en donnant à l’image de la ville de Lyon le cortège ordinaire de la Justice, de la Force et d’autres personnages allégoriques non moins connus, tout en représentant, suivant l’usage, le Rhône sous la figure d’un vieillard et la Saône sous les traits d’une jeune femme, il n’a pas entendu pour cela rééditer sans les commenter ces types classiques, et grouper une fois de plus quelques statues coloriées sous prétexte d’érudition ou de purisme. Il a voulu, et il a eu raison de vouloir, que l’aspect de son œuvre fût avant tout décoratif, et, comme Titien et Palma n’auraient pas manqué de le faire en pareil cas, il s’est appliqué principalement à combiner des élémens de richesse pittoresque. C’est ce qui explique le choix de certains ajustemens et les apparences de certaines figures, — la Sagesse, entre autres, dont les draperies médiocrement austères et le casque empanaché sembleraient presque un solécisme archéologique, s’il ne fallait, vu le cas, y reconnaître une licence permise, ou plutôt l’application d’une règle conforme à l’esprit et aux caractères de la donnée.

On serait donc mal venu à prétendre juger de la scène peinte par M. Hesse sur l’étiquette qu’elle porte, ou à chercher dans cette apothéose de la ville de Lyon un souvenir formel de l’Olympe dont les élèves de David et leurs successeurs ont si obstinément célébré les coutumes, tant de fois divulgué les secrets. Les divinités que nous montre M. Hesse ont plutôt une origine vénitienne, et d’ailleurs les figures aux vêtemens de couleurs éclatantes qui personnifient, dans le bas de la composition, l’industrie de Lyon et son commerce, suffiraient pour nous révéler la source à laquelle le peintre a surtout puisé ses inspirations. On conviendra que, pour accomplir une pareille tâche, il était au moins difficile de se renseigner en meilleur lieu, et ce sera justice aussi de reconnaître qu’en s’appropriant les exemples vénitiens du XVIe siècle, M. Hesse a su en renouveler