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reproduire les moindres détails de la nature, perdent du côté du style ce qu’elles gagnent en stricte vraisemblance ; il n’y a là enfin, malgré les preuves d’un incontestable talent, qu’une image muette du réel, une effigie savante, mais une effigie. Ajoutons que le caractère moderne de la tête et Il disposition des cheveux, qui semblent garder quelque chose du pli accoutumé et des formes de la coiffure actuelle, ne laissent pas de compromettre gravement le sens idéal que comportait une personnification de cet ordre. Si la Vérité de M. Lefebvre revêtait la robe jaune et le mantelet de velours que l’artiste a d’ailleurs si habilement peints dans un portrait voisin, elle pourrait impunément prendre place parmi les types de la race et de la vie contemporaines. Reléguée comme elle l’est au fond d’un puits, elle n’a guère, malgré le miroir qu’elle élève au-dessus de sa tête, que la signification d’une étude, d’un portrait de femme nue assez dépaysée en pareil lieu, et qu’on ne se représente pas sans quelque déplaisir s’installant, le moment venu, dans le seau de cuivre placé à côté d’elle au bout d’une corde, comme un gage de sa délivrance future.

Les toiles que nous venons de citer et que nous avons choisies comme les spécimens les plus importans des inclinations ou des doctrines de la jeune école en matière de style proprement dit ne sont pas au reste les seules dans lesquelles on puisse relever des témoignages de talent ou d’aspirations élevées. Le Sommeil par M. Parrot, — la Mort de Nessus par M. Delaunay, bien que l’exécution de ce tableau soit en général un peu maigre et éraillée, — le Jugement de Midas par M. Lévy, quoiqu’une des figures, celle d’Apollon, nous semble absolument défectueuse, — quelques sujets pieux, comme le Retour de l’Enfant prodigue par le frère Athanase, — quelques scènes antiques comme la Naissance d’Homère par M. de Curzon et le Charmeur par M. Lecomte-Dunouy, — d’autres œuvres encore mériteraient d’être analysées dans un examen du Salon moins succinct que celui-ci. Enfin, à côté des talens en marche, quelques talens dès longtemps arrivés, quelques artistes en possession d’une haute situation dans l’école, n’ont pas dédaigné d’accepter l’hospitalité du Salon, et pourtant quelle hospitalité maussade, au moins pour deux des plus éminens d’entre eux ! Une Calypso et un portrait de femme peints par M. Lehmann avec sa science et son grand goût accoutumés se trouvent, en vertu de l’ordre alphabétique, rejetés à l’extrémité de l’exposition, dans une salle que l’on ne traverse guère que pour sortir. Deux toiles de M. Hébert, dont l’une, intitulée le Matin et le Soir de la vie, peut être mise au nombre de ses meilleurs ouvrages, demeurent perdues dans une de ces salles supplémentaires qu’un Müller de tableaux admis par surcroît cette année a forcé d’établir en dehors de