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seule une étude à part. Mon dessein est seulement de montrer, dans ce voyage à travers les grandes villes, quels ont été les procédés employés pour transformer les rues et les murailles, et les principes invoqués pour modifier les coutumes et les lois. Il est temps d’en dégager les faits propres à détruire les préjugés courans et à résoudre les problèmes soulevés par des circonstances si nouvelles dans tous les pays civilisés.

Je crois avoir démontré que le XIXe siècle a vu s’opérer à peu près au même moment la même transformation dans toutes les grandes villes, et particulièrement dans les capitales des nations. Il y a eu dans le monde civilisé, sous l’empire d’une cause physique, la vapeur, d’une cause morale, l’instruction, et d’une cause politique, la liberté, un essor nouveau des fils d’Adam, une circulation plus rapide et une nouvelle répartition des hommes entre les divers centres d’habitation que l’on appelle des villes. Il y a eu en même temps un progrès général des richesses et des lumières qui a rendu les hommes plus exigeans, moins disposés à se contenter de logemens malsains, de mauvaise nourriture, de communications incommodes, et réclamant en tous lieux des rues, des maisons, des arbres, de l’eau, des précautions sanitaires, des centres d’approvisionnement, d’étude, de plaisir et de trafic, en un mot un degré de plus dans tous les avantages de la vie commune des cités. Si ces faits se sont produits partout et très précipitamment, comment ne point traiter au moins avec indulgence les hommes et les administrations qui ont été chargés d’imprimer une activité jusqu’alors inconnue a la transformation et à l’embellissement des villes principales ? Pour recevoir les flots montans d’une population vouée au mouvement et avide de bien-être, il a fallu toucher et même un peu brusquer les vieilles habitudes, les vieilles maisons et les vieux budgets. Londres, Paris, Berlin, Vienne, Genève, Bruxelles, New-York, ont fait des travaux et aussi des dettes. Sir Robert Peel, dès 1836, disait avec infiniment de raison : « La rénovation d’une vieille ville en vue d’adapter ses rues et ses maisons aux besoins croissans et aux habitudes meilleures des temps modernes est une œuvre bien plus difficile et bien plus coûteuse que la construction d’une ville nouvelle. »

Les travaux de transformation ont été presque partout louables et même remarquables. Les boulevards de Paris, les quais de la Tamise, les parcs et les promenades publiques, le bois de Boulogne, le Thiergarten, le Prater, le Central Park, valent assurément les sommes qu’ils ont coûtées. On ne voit pas d’ailleurs que les dettes aient sérieusement ébranlé le crédit des villes, même celui de la ville la plus endettée, mais la plus embellie, qui est Paris, par cette