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administrés par le supervisor, les villages, administrés par un bureau de trustées et leur président.

Comment a réussi cette organisation très compliquée ? Il n’y a malheureusement qu’une voix pour la condamner. « Notre administration des villes est mal conduite, écrit un des plus savans jurisconsultes de l’Amérique, le docteur Lieber[1] ; elle est corrompue, déréglée, coûteuse. Un gouvernement municipal n’est qu’une affaire de police et de dépense. La police devrait être entre les mains de l’état, la dépense entre les mains de ceux qui paient. Même dans un pays de suffrage universel, ce n’est pas l’opinion publique qu’il s’agit de faire représenter, c’est l’intérêt des contribuables et des habitans réels. Le problème qui consiste à concilier une grande liberté politique, et notamment le suffrage universel, avec une énorme agglomération de population accrue mois par mois et presque jour par jour par un flot d’étrangers n’a jamais été résolu en aucun pays, et probablement c’est notre pays et spécialement la ville de New-York qui a le moins approché de la solution. » Cette opinion est devenue l’opinion générale, et cette année même, il y a peu de semaines, une loi financière du 10 avril 1870[2] a commencé la réforme de la municipalité de New-York. Cette loi a surtout pour objet de mieux régler l’emploi et la perception des taxes, l’administration des docks, le service de la police, et elle contient une disposition bien caractéristique : il a fallu interdire de repaver des rues déjà pavées sans une pétition de la majorité des riverains. Des marchés scandaleux avaient été passés pour repaver les rues sans nécessité à l’aide de taxes onéreuses.

On le voit, New-York et Paris sont les deux points extrêmes, du tableau que j’ai présenté. Placées dans des conditions analogues, doublées tout à coup, continuellement envahies par des étrangers, agitées par les mêmes mœurs démocratiques fiévreuses, dans un pays de suffrage universel, réunissant le même contraste d’opulence étincelante et de sordide misère, la ville de Paris a été administrée par un pouvoir dictatorial, celle de New-York par deux assemblées populaires. Avec des mérites dissemblables et des défauts que je suis loin de comparer, ni l’un ni l’autre de ces systèmes n’a pleinement réussi. La vérité est entre les deux, et une législation intelligente doit s’efforcer de mieux faire les parts entre les droits de l’autorité et les droits des citoyens dans les grandes villes.

  1. Reflections on the change which may seem necessary in the present constitution of the State of New-York, 1867.
  2. An act to make provision for the government of the city of New-York.