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LES RÉFORMES DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.

cile à constater et à combattre, c’est le manque d’assiduité à l’école, qui fait qu’un grand nombre d’enfans ne viennent prendre sur les bancs qu’une instruction illusoire et bientôt oubliée. Quelle est l’étendue de ce mal ? Plus du tiers des élèves ne passent que six mois et quelquefois moins à l’école. En outre, sur 657, 401 élèves qui en sont sortis dans l’année 1863, 395 393, ou 60 pour 100, savaient lire, écrire et compter, 262 008, c’est-à-dire 40 pour 100, avaient fréquenté l’école sans y puiser de connaissances utiles et solides. Aussi le nombre des conscrits illettrés, bien qu’ayant diminué de plus de moitié depuis 1829, était-il encore, en 1865, de 25 pour 100. C’est donc l’irrégularité dans la fréquentation des écoles par les enfans qui crée la plus grande difficulté à la diffusion de l’enseignement. C’est de ce côté-là que des efforts constans et considérables doivent être tentés pour que tout Français profite de l’instruction que des mesures sages et libérales ont mise à sa portée. Le mal résulte surtout de l’indifférence ou de la pauvreté des familles ; on propose, pour vaincre l’une, la gratuité absolue, et pour triompher de l’autre, l’obligation de l’instruction primaire.


II

On se souvient du rapport de M. Duruy sur l’état de l’enseignement primaire en 1863, où le ministre de l’instruction publique, posant nettement la question de la gratuité absolue et celle de l’obligation de l’instruction primaire, se montrait partisan décidé de l’une et de l’autre. On se souvient aussi que ce rapport, inséré au Moniteur du 6 mars 1865, fut suivi, dans le Moniteur du lendemain, d’un désaveu formel du gouvernement. Les conclusions de M. Duruy avaient pourtant de puissantes sympathies en haut lieu ; elles furent reprises en partie par M. Bourbeau, qui présenta en 1869 au conseil d’état un projet de loi où il abandonnait le principe de l’obligation pour s’en tenir à celui de la gratuité absolue. Ce projet, après avoir essuyé de sérieuses attaques au conseil d’état, a été complètement laissé de côté après la malheureuse campagne de M. Bourbeau. La question en est là ; mais elle n’est que provisoirement abandonnée, car il paraît impossible que le ministère actuel ne l’aborde prochainement pour la résoudre dans un sens ou dans l’autre.

Les Anglais ont marché d’un pas plus rapide que nous dans la voie des réformes ; il est vrai qu’ils y étaient sollicités par l’état déplorable où se trouvait l’instruction primaire dans la plupart des comtés de l’Angleterre proprement dite. Pour en donner une idée, nous dirons qu’en 1859, malgré les énormes sacrifices que s’impo-