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ressemblent, les peintures se répètent ; l’uniformité du style est inévitable dans une cité reconstruite d’un seul effort, à la même époque, par suite du même désastre. Si le gouvernement italien veut rendre à la science un service insigne et mettre M. Fiorelli à même de multiplier d’infaillibles découvertes, il est temps qu’il abandonne Pompéi pour concentrer toutes ses ressources sur une ville où les fouilles sont plus difficiles, mais où les résultats sont certains. Cette ville, c’est Herculanum. Je sais quelle défiance accueillera une telle proposition, quelles objections sont toutes prêtes : c’est pourquoi, avant de développer un plan, il est nécessaire de réfuter les préjugés populaires, de procéder régulièrement par démonstration, et de rassembler les détails propres à nous éclairer sur l’histoire, le sort et l’état actuel d’Herculanum.


II

Herculanum était située entre Naples et Pompéi, exactement au milieu de ce beau golfe que les Grecs comparaient à un vase-cratère. Elle était exposée également à toutes les brises qui soufflaient de la pleine mer pendant l’été ; on y avait la vue la plus magnifique ; la terre végétale y était profonde et fertile, deux rivières coulaient de chaque côté de la ville ; c’était un lieu plein de douceur, fait pour les oisifs qui voulaient jouir d’un perpétuel enchantement. Les Osques, qui s’y étaient d’abord établis, avaient été dépossédés par les Étrusques de Capoue ; les Étrusques, à leur tour, avaient été remplacés par les Grecs. On dit même qu’Herculanum devint l’asile de la plupart des colons grecs qui furent chassés des villes de l’Italie méridionale ; ils s’y établirent fortement, en assez grand nombre pour s’y faire respecter, ou plutôt avec le consentement de la confédération samnite, qui avait reconquis ses côtes et ne redoutait plus les débris d’une race qu’elle avait vaincue. Le nom d’Herculanum n’est en effet que la traduction latine du nom grec d’Héracléion, et l’on sait par une inscription que le premier magistrat de la ville s’appelait démarque, comme chez les Grecs, et non meddixtucticus, comme chez les Osques et à Pompéi. Quelques historiens ont même supposé qu’Herculanum, à cause du nombre, de la délicatesse et de la richesse de ses habitans, était la troisième ville de la Campanie, après Naples et Capoue.

Les Romains la soumirent et la reprirent de nouveau après la révolte générale qu’on appelle la guerre des alliés ; ils y envoyèrent une colonie, s’ils n’y tinrent pas garnison, car Strabon l’appelle une place forte[1], et nous voyons que sous l’empire les soldats de la

  1. Φρούιον, liv. V, p. 378.