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REVUE DES HOMMES.

marche par marche. Un balcon laisse-t-il voir ses rondins de bois noircis et pulvérulens, on y substitue des rondins semblables. Une cavité se présente-t-elle, on y coule du plâtre, pour mouler l’objet inconnu qui y a laissé sa forme avant d’être détruit. En un mot, toutes les précautions[1] sont prises non-seulement pour conserver les moindres restes de Pompéi, mais pour recueillir l’empreinte de ce qui ne s’est pas conservé.

J’ai raconté par quel moyen les habitans de Pompéi étouffés sous la cendre nous étaient rendus avec leur costume, leur attitude, leur expression suprême. Le procédé de M. Fiorelli ne s’applique pas uniquement aux cadavres, il est applicable à tous les corps qui se sont décomposés assez lentement pour que le moule qui s’est formé autour d’eux devînt consistant et durable. Le bois, par exemple, qui a résisté pendant plusieurs siècles à l’humidité du sol et qui a pourri peu à peu comme les végétaux qui composent le charbon de terre, le bois se prête admirablement au moulage. Les poutres, les balcons, les marches d’escalier, les planches, même celles qui ont servi aux usages les moins faciles à décrire, les portes, les garnitures des fenêtres, en un mot tout ce qui est menuiserie peut être reproduit ; nous obtenons ainsi des renseignemens inattendus sur certaines industries des anciens. Les portes des boutiques sont particulièrement curieuses : on voit, par les moulages déposés dans un des musées provisoires de Pompéi, qu’elles étaient ménagées sur le côté, et que toute la devanture de la boutique était close par des planches ; ces planches étaient engagées, en haut et en bas, dans une rainure profonde, et se recouvraient les unes les autres comme les palettes d’un éventail ouvert. Le plâtre, en séchant dans les cavités d’où le bois a disparu, reprend la serrure, les verrous, les gonds, qui étaient restés fixés sur la cendre, et les représente à la place exacte qu’ils occupaient.

Les meubles en bois, siéges, lits, armoires, coffres, coffrets, etc., nous ont préparé les mêmes surprises. Dans une des maisons de Pompéi que M. Fiorelli a convertie en musée, on voit un coffre d’assez grande dimension qu’il a fait mouler et dont les charnières ont été une révélation. Tout le monde sait qu’on a recueilli à Pompéi des milliers de cylindres en os, percés d’un ou de deux trous : les inventaires les désignent comme des morceaux de flûte, et en vérité il fallait que tous les habitans eussent une passion désordonnée pour la musique, car l’on trouve de ces prétendus fragmens de flûte dans chaque maison. Dans les tombeaux de la Grèce et de

  1. Il est juste de nommer, parmi les auxiliaires qu’emploie M. Fiorelli, M. Bramante, qui dirige les restaurations, et M. Padiglione, qui fait un merveilleux modèle de Pompéi en liége dans la proportion de 1 centimètre pour mètre.