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les visites des princes étrangers étaient le principal stimulant. On tenait toujours quelque maison aux trois quarts déblayée pour enlever devant eux la dernière couche, celle qui, étant plus près du sol, promettait le plus de découvertes. Enfin en 1860 les fouilles de Pompéi entrèrent avec M. Fiorelli dans une phase nouvelle. Que le gouvernement italien, désirant frapper les esprits, ait fait un sacrifice et donné les subventions nécessaires pour employer tout à coup près de cinq cents ouvriers, cela n’a rien de surprenant, sans être pour cela moins louable ; mais d’autres gouvernemens l’avaient fait. Ce qui constitue surtout l’importance des travaux entrepris dans ces dix dernières années, c’est le caractère de celui qui les dirige, c’est sa méthode vraiment scientifique, c’est une inspiration qui promet pour l’avenir des résultats aussi féconds qu’imprévus.

M. Fiorelli était bien connu des savans. De 1846 à 1851, il avait publié des Annales de numismatique[1], en 1853 les Antiquités du cabinet du comte de Syracuse, en 1854 les Inscriptions osques de Pompéi, en 1857 les Vases peints découverts à Cumes. Enfin l’on savait que depuis dix ans il recopiait et mettait en ordre les notes manuscrites rédigées chaque jour par les directeurs des fouilles depuis 1748 et envoyées aux conservateurs du musée avec les objets recueillis. Trois fascicules avaient même paru : il avait été forcé de suspendre cette publication, qui fut reprise en 1860. Ce travail considérable l’avait fait pénétrer dans les plus menus détails de l’histoire des fouilles de Pompéi ; il en connaissait le fort et le faible mieux que personne, il pouvait remédier aux fautes de ses prédécesseurs ou continuer ce qu’ils avaient fait de bien. Je ne louerai ni sa modestie, ni son désintéressement, ni sa passion pour l’antiquité, parce que ces qualités sont si nécessaires à tout vrai savant qu’il en faudrait plutôt condamner l’absence ; ce qui est plus rare, c’est que M. Fiorelli a su imposer à tous ceux qui font partie de son administration l’accomplissement des devoirs qu’il pratique lui-même. Tous les employés du musée de Naples sont devenus scrupuleux, discrets avec l’étranger, que persécutait jadis une mendicité effrontée ; les gardiens de Pompéi ont été organisés militairement, ils sont vigilans, ils ont une solde, et se croiraient déshonorés ou destitués, s’ils acceptaient le moindre présent. Les Napolitains sont tout surpris de se voir moralisés ; mais, quand les mains restent pures, les antiquités sont mieux gardées. Chaque visiteur donne 2 francs avant de franchir ces fameux tourniquets que n’auraient pas désapprouvés peut-être les Pompéiens, tant ils avaient le goût

  1. Auparavant avaient paru ses Observations sur quelques monnaies grecques, Naples, in-8o, 1843.