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LE DRAME DU VÉSUVE.

ils pratiquaient un trou dans le mur de la salle contiguë et la dépouillaient à son tour. Les modernes qui fouillent Pompéi savent bien, lorsqu’ils aperçoivent un mur ainsi troué, qu’ils n’ont rien à espérer en enlevant les cendres ; ils les enlèvent pour suivre le plan tracé, et ne recueillent en effet que des débris sans importance. Au contraire, si les murs sont intacts, c’est-à-dire si le propriétaire a péri ou n’a pas jugé bon de revenir, les découvertes sont presque certaines. Les seules pièces que les propriétaires aient presque toujours négligé de visiter sont les celliers et les cuisines ; c’est pourquoi les amphores, les vases de terre cuite, les casseroles, les poêlons, les chaudières de cuivre, dédaignés parce qu’ils avaient peu de valeur, figurent en si grand nombre au musée de Naples. Quant aux lampes d’argile et de bronze, emportées de tous côtés pour conjurer les ténèbres qui avaient duré plusieurs jours, on savait ne plus les retrouver à leur place habituelle. Au mois de janvier dernier, j’assistais au déblai de plusieurs chambres percées de la sorte. Quoiqu’elles fussent richement décorées, on n’y a rien trouvé, tandis que dans un corridor voisin qui n’avait point attiré l’attention des Pompéiens, parce que d’ordinaire un corridor ne sert que de passage, on a vu reparaître des vases de bronze, des amphores avec des inscriptions, des objets en verre, un sac de monnaies, que le possesseur y avait serrés à la hâte et qu’il n’a jamais pu reprendre, car son squelette a été recueilli dans une autre partie de la maison.

Les modernes se figurent Pompéi enfouie à une profondeur exagérée ; 7 mètres seulement recouvrent le sol antique, et encore, sur ces 7 mètres, 2 ont-ils été déposés par les éruptions postérieures à l’an 79 : donc l’an 79, 5 mètres de cendres ne pouvaient suffire pour cacher aux Pompéiens les emplacemens et les détails de leurs habitations, émergeant comme du milieu d’un manteau de neige. Qu’on s’imagine une petite ville de France d’où les habitans ont été chassés par une inondation : les eaux retirées, ils sont revenus, et trouvent tout enseveli sous 15 pieds de sable et de limon. Les rez-de-chaussée sont invisibles, on se promène à la hauteur des fenêtres du premier étage ; mais aucun habitant n’est embarrassé pour retrouver sa demeure et marquer les yeux fermés les places où il faut creuser pour retirer chaque meuble et chaque objet précieux. La même chose est arrivée à Pompéi ; seulement la pierre ponce et la cendre n’avaient rien gâté, et les remuer était un jeu.

À mesure que les citoyens opulens et les marchands avaient reconquis leurs richesses, ils les emportaient ; ils fuyaient cette terre inhospitalière qui ne pouvait ni nourrir ses habitans, ni même reverdir ; ils comptaient sur leur industrie, sur leurs relations commerciales, sur leurs amis, pour s’établir dans les pays voisins ; ceux