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REVUE DES HOMMES.

Rome. Que fera l’empereur ? C’était l’idée qui venait à tous les esprits sous l’empire. Or l’empereur était Titus, si doux et si prodigue depuis qu’il régnait seul et se sentait seul responsable de l’amour ou de la haine des hommes. Titus en effet fut ému par le récit d’un événement inouï. Il envoya aussitôt, avec des pouvoirs étendus et de l’or, des personnages considérables, qui avaient rempli les fonctions de consul. Par malheur, un incendie éclata peu de temps après et dévora les plus beaux quartiers de Rome ; la peste survint, qui ravagea la capitale du monde. Dès lors toutes les ressources du trésor et toute l’attention de l’empereur furent absorbées, et Pompéi oubliée. Un édit impérial permit d’appliquer au déblai des villes du Vésuve les biens de ceux qui étaient morts sans héritiers ; en outre les habitans furent déclarés exempts d’impôts pour un certain nombre d’années. Le fisc ne pouvait faire d’autres sacrifices.

Que devinrent les Pompéiens, livrés à eux-mêmes avec ces encouragemens que la fortune rendait dérisoires ? C’est ici que le témoignage de l’archéologie est précieux, parce que l’histoire nous laisse dans une ignorance absolue. Or l’archéologie montre, par des traces irrécusables, que les Pompéiens employèrent un certain temps, non pas à déblayer leur ville, mais à la fouiller. Chacun était chez soi, du moins chacun de ceux qui étaient revenus ; chacun, logé à l’étage supérieur, conduisant ses esclaves et des manœuvres qui furent expédiés de toutes parts, put pénétrer, en creusant la cendre, dans son rez-de-chaussée et y rechercher les meubles, les ustensiles, les vêtemens, les objets précieux qu’il y savait enfouis. Le souvenir des lieux était trop frais pour qu’on ne se dirigeât pas à coup sûr. Quel propriétaire aurait oublié l’emplacement de son triclinium, de la table de bronze incrustée d’argent, des candélabres bien ciselés, de l’argenterie, ou celui du salon avec ses riches ornemens, ou celui de la bibliothèque avec ses rouleaux de papyrus rangés dans des boîtes de métal, ou les chambres dont les armoires étaient pleines d’étoffes, de parures, de tapis, ou les magasins garnis de provisions et de denrées protégées par les flancs épais des tonneaux en terre cuite et des jarres ? Les preuves de l’activité de ces fouilles abondent.

On ne remarque pas assez, lorsqu’on visite Pompéi, que les murs qui séparent certaines chambres des chambres voisines sont percés d’un trou irrégulier, fait à la hâte, et assez grand pour laisser passer un homme. Afin d’abréger leur travail, les Pompéiens pénétraient ainsi d’une pièce dans une autre ; au lieu de déblayer les portes, les corridors, les portiques, pour aller d’un appartement à un autre, ils faisaient comme les voleurs grecs, qu’on appelait perceurs de murailles (τοιχωρύχοι). À mesure qu’une salle était visitée,