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LA HOLLANDE ET LE ROI LOUIS.

de connétable de l’empire sera conservée par vous et vos descendans ; elle vous retracera les devoirs que vous avez à remplir envers moi, et l’importance que j’attache à la garde des places fortes qui garantissent le nord de mes états, et que je vous confie. Prince, entretenez parmi vos troupes cet esprit que je leur ai vu sur le champ de bataille. Entretenez dans vos sujets des sentimens d’union et d’amour pour la France. Soyez l’effroi des méchans et le père des bons : c’est le caractère des grands rois. »


On remarquera dans ce discours plusieurs assertions fort étranges. Quels droits les événemens de la guerre avaient-ils donnés à la France sur la Hollande ? La révolution de 1795 avait sans doute été favorisée par la défaite de la coalition, mais les troupes françaises étaient entrées en amies, en alliées du peuple batave ; elles avaient été acclamées par la population, devancées par les révolutions locales, fort bien accueillies partout sur la foi des proclamations lancées par les généraux républicains, qui offraient à la Hollande de l’aider à chasser ses tyrans, mais ne parlaient pas du tout de la conquérir. De plus, où l’empereur avait-il appris l’histoire de Hollande ? Où avait-il vu que les ancêtres des Hollandais n’avaient acquis leur indépendance que par le secours de la France ? Sans doute la France monarchique prit souvent parti pour les Provinces-Unies, quand elle eut à se défendre elle-même contre l’Espagne ou l’Autriche ; mais les Hollandais avaient certes le droit de répondre que leur alliance n’avait pas été moins utile à la France que celle de la France à leurs ancêtres, et qu’en d’autres occasions glorieuses c’est précisément contre elle qu’ils avaient dû défendre leur indépendance au prix d’énormes sacrifices. La prétendue conquête de la Hollande par l’Angleterre est un non-sens historique encore plus renversant. Quant au service que la France avait pu rendre aux Hollandais en 1795, ils l’avaient certainement payé par l’augmentation écrasante de leur dette, leurs armemens de terre et de mer, le tout au profit exclusif de la France. Enfin les Hollandais présens à l’audience ne durent être qu’à moitié rassurés quand ils entendirent l’empereur recommander à leur nouveau roi de « ne cesser jamais d’être Français, » lui rappeler qu’il resterait, lui et ses descendans, « revêtu de la dignité de connétable de l’empire, » par conséquent le subordonné hiérarchique de l’empereur, et que cette dignité « lui retracerait les devoirs qu’il avait à remplir envers lui, » c’est-à-dire envers son supérieur militaire.

Louis répondit modestement que sa vie et sa volonté appartenaient à l’empereur, qu’il irait régner eu Hollande, puisque « les Hollandais le désiraient et que sa majesté l’ordonnait, » qu’il estimait beaucoup le caractère de ce peuple depuis qu’il avait appris à