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LA HOLLANDE ET LE ROI LOUIS.

nête et bienfaisante. Elle l’eût été plus encore, si les exigences militaires de Napoléon n’avaient pas forcé la Hollande à entretenir un nombre de vaisseaux et de soldats disproportionné à ses ressources. On regrettait aussi que le premier magistrat de la république batave aimât à s’entourer d’un faste quasi royal. On prétend que Mme Schimmelpenninck le poussait dans cette voie. Son excellence le conseiller-pensionnaire avait des gardes du corps à pied et à cheval. Dans les cérémonies publiques, il se faisait traîner dans un carrosse doré à six chevaux. Logé à la Maison du Bois, joli château situé près de La Haye, il avait des réceptions princières qui faisaient hocher la tête aux républicains de l’école de Caton et aussi aux vieux orangistes, qui comparaient à ce luxe la simplicité des anciens « tyrans. » À cela près pourtant, on était satisfait du conseiller-pensionnaire, qu’on appelait aussi très souvent, surtout en français, le grand-pensionnaire, et à qui cette modification de son titre ne déplaisait pas. Il est à présumer qu’à. Paris on applaudissait volontiers à la formation de cette espèce de cour. N’était-ce pas un point de plus de gagné dans la partie engagée contre la république batave ?

Quant à sa politique étrangère, Schimmelpenninck lui avait donné pour base l’alliance intime avec la France. C’était une nécessité de position, puisque la neutralité était impossible. Autrement il eût fallu se jeter dans les bras de l’Angleterre, qui n’eût pas mieux demandé ; mais ce parti désespéré eût été le signal de la contre-révolution, eût attiré sur le pays toutes les horreurs d’une guerre acharnée. La Hollande avait donc armé pour apporter son contingent à la grande armada française. Une flottille de 378 canonnières et bateaux plats, montée par 3 600 marins exercés et portant 1 300 pièces d’artillerie, fut réunie à Flessingue sous le commandement de Ver Huell. Une division hollandaise de 10 000 hommes, sous le général Dumonceau fut organisée pour se joindre au premier signal à la grande armée. La république batave se chargeait de plus de solder 18 000 soldats français, d’armer 5 vaisseaux de ligne, autant de frégates, et de fournir à Marmont, qui campait à Zeist avec 18 000 hommes, les moyens de s’élancer du Texel sur la côte anglaise au moment où l’empereur partirait lui-même de Boulogne.

Tous ces sacrifices, des plus onéreux pour la république obérée, furent en pure perte. La Hollande n’y trouva que la satisfaction de venger un peu aux dépens des Anglais son pavillon humilié, Ver Huell sut défiler à leur barbe, suivi de sa flottille, organisée en trois divisions, et, à la hauteur du cap Grinez, tint audacieusement tête à une grosse flotte anglaise qui espérait le surprendre. Il arrivait à Ambleteuse, n’ayant essuyé que des pertes insignifiantes. De cette