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Il y avait longtemps qu’on la réclamait. Il s’agissait de creuser une issue artificielle au Rhin, qui se perdait dans les sables près de Leyde et formait en mourant un affreux marécage plein de miasmes pestilentiels ; mais il s’agissait aussi, et c’était la difficulté, d’établir sur ce sol mouvant des écluses de taille et d’épaisseur à braver les fureurs de la Mer du Nord, qui devait en battre les murailles. En matière de finances, Schimmelpenninck réussit à opérer la péréquation de l’impôt dans les diverses provinces, ce qui n’était pas une petite affaire, car sous l’ancien régime, chaque province avait son système financier, et les divers gouvernemens qui s’étaient succédé depuis la révolution avaient jusqu’alors été trop faibles pour venir à bout des résistances locales.

Une chose qui ne peut plus nous étonner depuis que nous soupçonnons les desseins secrets de Napoléon sur la Hollande, c’est qu’il avait insisté auprès de son cher et grand ami (c’est le titre qu’il donnait dans sa correspondance au conseiller-pensionnaire) pour qu’il tranchât la difficulté financière par une banqueroute déguisée sous le nom de réduction des rentes. Il eut même soin, dans une dépêche de Talleyrand, de lui exprimer ses vifs regrets de ce qu’il ne voulait pas adopter ce remède héroïque ; mais Schimmelpenninck savait qu’en Hollande, où la rente, disséminée entre toutes les mains, avait toujours été ponctuellement payée, le gouvernement national qui eût osé liquider ses obligations avec ce sans-façon eût été d’un aveu unanime traîné aux gémonies. Le nouveau système d’impôts, quoique lourd, n’était pas au-dessus des forces du pays. Dès la première année, il allait rapporter plus que l’ancien, et les recettes augmenteraient encore dans les années suivantes ; seulement les premiers mois étaient un peu difficiles à passer. Le gouvernement s’en était honnêtement expliqué dans le journal officiel, et moyennant un retard de deux mois, qu’on s’engageait à supprimer aussitôt que possible, le paiement des diverses rentes de l’état s’opérait régulièrement à la satisfaction générale. L’opinion publique, plus familière qu’en France avec les valeurs d’état, avait très bien pris la chose, et l’on peut voir que malgré ce retard momentané, malgré la guerre maritime et continentale, le 3 pour 100 hollandais resta, sous Schimmelpenninck, à 40, 42, 45, le 5 pour 100 à 66, 68. Le 5 pour 100 français à la même époque était à 56, 58. Qu’on veuille bien noter cette insistance de Napoléon. Il adressera la même demande à son frère Louis, qui refusera, lui aussi, de l’entendre. C’est lui-même qui en 1810 devra déclarer la banqueroute sous le nom de tiercement des rentes. Il eût aimé que ce soin lui fût épargné. On ne le lui a pas encore pardonné en Hollande.

L’administration intérieure de Schimmelpenninck fut donc hon-