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LA HOLLANDE ET LE ROI LOUIS.

le changement proposé. Plus de 350 000 voix se déclarèrent satisfaites, et l’on ne compta que 136 opposans[1]. On était las, on était effrayé des sourdes menaces qui couraient en l’air, on avait soif de tranquillité, le caractère de Schimmelpenninck, ses succès diplomatiques antérieurs inspiraient de la confiance. De bons esprits acceptaient assez volontiers l’idée d’une dictature civile et capable, qui ramènerait l’ordre dans le chaos administratif et financier, maintiendrait les principes égalitaires de la révolution, et qui, en vertu même de son origine, servirait de garantie à la conservation de la nationalité. Comment supposer que le glorieux empereur des Français irait détruire son propre ouvrage ? Et puis Schimmelpenninck apportait une belle récompense offerte à la docilité du bon peuple hollandais : à partir du 22 septembre 1805, la France reprendrait à son compte la solde et l’entretien des troupes françaises d’occupation. Ce n’était pas encore l’évacuation, tant désirée ; mais on ne pouvait raisonnablement réclamer davantage dans un moment de guerre ouverte avec l’Angleterre, et c’en était le prélude.

Il faut reconnaître que, pendant, le court espace de temps qu’il exerça le pouvoir suprême, Schimmelpenninck fit de son mieux pour répondre à la confiance de son pays. Il se montra conciliant avec les chefs des anciens partis, et réussit à en gagner beaucoup. Il s’occupa avec la plus louable activité de réorganiser les finances, de régulariser l’administration du waterstaat, quelque chose comme nos ponts et chaussées, mais en rapport spécial avec la direction des endiguemens, si importante en Hollande, enfin d’organiser sur de larges bases un grand système d’enseignement primaire. On peut dire que, sur ce dernier point, il accomplit, avec autant d’habileté que de décision une véritable réforme. On a depuis continué, élargi, amélioré son œuvre, on ne l’a pas essentiellement changée. Quant au waterstaat, il créa pour la première fois l’administration centrale d’un service abandonné auparavant à l’arbitraire des provinces, souvent même des localités, en même temps qu’il s’abstint sagement de trop légiférer sur cette matière ; car le propriétaire hollandais endigue volontiers, c’est son goût, sa passion même, mais à la condition qu’on le laissera un peu faire à sa guise, qu’on ne le molestera pas à coups de règlemens généraux. C’est ce que nos préfets impériaux, lors de l’annexion après 1810, ne parvinrent jamais à comprendre, et c’est pourquoi sous leur administration le paysan avait fini par ne plus endiguer. Une grande œuvre, justement admirée encore aujourd’hui, le canal et les écluses de Katwyk, fut décidée et commencée sous la direction de Schimmelpenninck.

  1. Il faut dire que l’on, compta comme affirmatifs les votes non émis.