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de six semaines chacune), le conseiller-pensionnaire soumet le budget de l’année suivante à leurs hautes puissances, qui doivent l’accepter ou le rejeter en bloc, sans y faîne aucun changement. Et comment sont élues leurs hautes puissances ? Leurs membres, au nombre de dix-neuf, répartis entre les diverses provinces ou départemens au prorata de leur population, sont désignés d’abord par les conseils départementaux, qui, pour chaque place vacante, dressent une liste de quatre candidats, que le conseiller-pensionnaire réduit à deux, et sur ces deux restans les mêmes conseils départementaux font le choix définitif. Le conseiller-pensionnaire a le titre d’excellence ; il nomme un conseil d’état préaviseur, dont il peut envoyer les membres au corps législatif pour soutenir les lois présentées en son nom. La constitution lui accorde un fonds secret dont on n’a pas à lui demander de compte détaillé. Enfin il est, en temps ordinaire, élu pour cinq ans par leurs hautes puissances et toujours rééligible ; mais il est entendu que le premier conseiller-pensionnaire restera à son poste tant que durera la guerre avec l’Angleterre et pendant les cinq années qui suivront le traité qui la terminera.

On reconnaît dans cet ensemble de mesures le goût des précautions raffinées contre tout ce qui ressemble au pouvoir parlementaire ; joint à la bonne envie d’en conserver la forme extérieure. La collaboration impériale se révèle au premier coup d’œil. La seule chose qui rappelle qu’il s’agit des anciennes Provinces-Unies, si jalouses de leurs franchises, si ombrageuses dès qu’il est question de centralisation, c’est la part faite aux conseils départementaux ou provinciaux, qui émanaient encore d’une sorte de suffrage universel à deux degrés ; mais à la manière dont on leur a taillé leur tâche, il est clair que si le corps législatif compte d’autres membres que les candidats préférés du conseiller-pensionnaire, c’est que celui-ci aura la main bien malheureuse, et que si on lui fait l’ombre d’une opposition, c’est qu’il sera bien maladroit. Du reste cette constitution ne disait mot de la liberté de la presse, que rien absolument ne garantissait, ni du droit de réunion, et ne consacrait pas même le droit de pétition. Voilà donc ce qu’était devenue la liberté batave ! Une dictature déguisée. On a dit souvent que la royauté constitutionnelle est une république sous forme monarchique ; ici nous avons bien certainement une monarchie sous forme républicaine. Comment Schimmelpennink ne vit-il pas que sa constitution appelait un roi, un roi à peu près absolu, et que, pour couronner l’édifice, il suffisait de l’évincer lui-même ?

Cependant, pour les raisons que nous avons dites, le peuple hollandais accepta, sinon avec enthousiasme, du moins sans murmure,