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LA HOLLANDE ET LE ROI LOUIS.

daises occupées par les Anglais seraient rendues à son pays ; il dut toutefois se résigner à la perte de Ceylan, Il aurait bien voulu stipuler aussi l’évacuation de Flessingue, que les Français occupaient toujours comme territoire indivis entre eux et la république batave. C’eût été le gage et le commencement du départ définitif des troupes françaises. Sur ce point encore, ses efforts échouèrent contre le mauvais vouloir du premier consul, qui avait ses raisons pour ne pas se dessaisir de positions aussi utiles dans le cas où la paix avec l’Angleterre ne serait point de longue durée. Schimmelpenninck se rendit ensuite en Angleterre comme ministre de la république batave. Il fit de son mieux pour adoucir entre la France et l’Angleterre des rapports qui déjà tournaient à l’aigre. C’est à lui que George III, ennuyé des réclamations du gouvernement consulaire, qui se plaignait des attaques virulentes des journaux anglais, adressa un jour cette exclamation caractéristique : « Croiriez-vous, monsieur, qu’on voudrait me forcer à restreindre la liberté de la presse ! » Bientôt les choses s’envenimèrent au point que l’envoyé hollandais se vit forcé, comme son collègue de France, de demander ses passeports. Peu de temps après, renvoyé comme ministre à Paris, il renoua d’intimes relations avec le premier consul et les membres de sa famille. Il paraît que plus d’une fois il eut des discussions, d’ailleurs très paisibles, avec Bonaparte sur la politique à suivre envers les nations maritimes pour les coaliser contre l’Angleterre. Il eût désiré qu’au lieu de chercher à fermer le continent au commerce anglais, le premier consul appuyât partout, dût-il en résulter quelques inconvéniens transitoires, le commerce et la navigation libres. « Alors, disait-il à Bonaparte, toutes les marines secondaires, le commerce du monde entier, n’auront que des sympathies pour la France, et partout, d’Archangel au Cap, de New-York à Lisbonne, partout des haines profondes, qui feront explosion à la fin, s’amasseront contre l’Angleterre. — Non, mon cher, lui répondait Bonaparte en le frappant sur l’épaule, vous croyez à des chimères ; il n’y a, pour faire la guerre, que les flottes et les armées. »

Il est probable ou plutôt certain que les vues gouvernementales de Schimmelpenninck s’accordaient mieux avec celles de son rude interlocuteur. Ni l’un ni l’autre n’aimait la liberté politique. Un bon gouvernement, selon le cœur de Schimmelpenninck, devait être bien intentionné, juste, éclairé, mais fort ; nous savons ce qu’il faut entendre par là. Il ne voyait guère dans la révolution que le triomphe de l’égalité sur les privilèges. C’est évidemment le côté par lequel il parut à Bonaparte éminemment propre à jeter les fondemens de l’édifice qu’il se proposait d’élever en Hollande. Il faut avouer qu’en Hollande, comme ailleurs, l’expérience démontrait l’impossibilité de marcher d’un pas sûr avec un gouvernement à plusieurs têtes. Ou