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LA HOLLANDE ET LE ROI LOUIS.

firent, le 14 septembre 1800, le pendant de notre 18 brumaire ; d’accord avec Augereau, qui commandait les troupes françaises, ils firent fermer les chambres par la force armée, et proposèrent de leur chef une constitution. Le peuple l’accepta ; fatigué de ces changemens perpétuels, il crut voir dans les nouvelles mesures proposées des garanties d’ordre, de sécurité, et surtout le moyen d’opérer entre les partis un rapprochement que désiraient également le patriotisme éclairé des uns et la lassitude très grande des autres. Guillaume V lui-même fit tenir à ses partisans l’avis qu’il n’y avait plus de raison majeure pour refuser de prendre part aux affaires publiques, et son fils, le prince héréditaire, chercha auprès des négociateurs de la paix d’Amiens un dédommagement qui lui fut accordé : on lui donna la principauté de Fulde. Cette paix d’Amiens, conclue à la fin de l’hiver de 1802, rendit ses colonies, sauf Ceylan, à la Hollande, et en rouvrant les mers à ses navires inaugura une période trop courte, mais merveilleuse, de commerce et d’opérations lucratives. Plus de 4,000 navires entrèrent cette même année dans les ports hollandais, chargés des richesses des deux mondes. Il semblait que les beaux jours de l’ancienne république allaient renaître, plus brillans que jamais, et on put espérer que la révolution hollandaise viendrait heureusement à bout de sa tâche ; mais ni la France ni la Hollande ne s’appartenaient plus. Le premier Napoléon, dans tout l’éclat de sa gloire, en était déjà le maître tout-puissant ; le concours actif de la Hollande lui étant nécessaire pour l’exécution des plans qu’il méditait contre l’Angleterre, il voulut que la république batave changeât encore une fois la constitution dont il avait été pourtant l’inspirateur. Ici nous entrons dans l’exposé des événemens et des intrigues dont la conséquence immédiate fut la suppression de la république batave et l’érection du royaume de Hollande.


II

Les jours de l’enthousiasme révolutionnaire appartenaient déjà au passé, ceux de la gallomanie commençaient à disparaître. Pour un peuple positif, vivant avant tout de commerce et de pêche, notre alliance était horriblement onéreuse. Elle signifiait guerre à outrance à l’Angleterre, et pour la Hollande, qui n’avait plus de marine redoutable, une telle guerre était la mort. Elle avait perdu, puis recouvré ses colonies ; quand la guerre recommencerait, elle les perdrait encore. La France, il est vrai, disait bien haut qu’elle ne ferait pas la paix sans poser pour condition que les colonies de la Hollande lui seraient rendues ; mais quelle garantie avait-on que la Hollande et ses colonies ne seraient pas sacrifiées à d’autres in-