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Du fond jusques au bord le colossal cratère,
Sereine elle montait transfigurant la terre
Et mêlant à cette ombre une vapeur d’azur.
Minuit, le Colisée, un firmament très pur !

Nous montâmes, guidés au rouge éclair des torches,
Tâtant d’un pied peu sûr l’effondrement des porches,
Et regardant sans voir dans les coins des piliers.
Par le dédale étroit des raides escaliers,
Nous gagnâmes enfin la plus haute terrasse.
De là, vers l’horizon vaste et noir, l’œil embrasse
Tout ce pays qui change, au déclin du soleil,
La couleur de son deuil sans changer de sommeil.
Tout en bas, comme un point dans l’arène déserte.
Un soldat ombrageux crie à la moindre alerte.

Ah! d’où vient que là-haut, malgré l’heure et le ciel
Et cette enceinte immense au profil éternel
Et l’effort surhumain que sa taille proclame,
Je n’ai rien éprouvé qui m’ait subjugué l’âme?
Mais, libre, je sentais palpiter mes chansons :
Tel, éclos pour jouir des meilleures saisons.
Dans un air épuré, de son aile indocile
L’oiseau bat la carcasse énorme d’un fossile.

Ces hommes étaient forts, que m’importe après tout?
Quand même ils auraient pu faire tenir debout
Un viaduc allant de Rome à Babylone,
A triple étage orné d’une triple colonne.
Pouvant du genre humain soutenir tout le poids,
Et qu’ils l’eussent roulé sur lui-même cent fois
Aussi facilement, et sans reprendre haleine.
Qu’autour de sa quenouille une enfant tord sa laine,
Et qu’ils eussent dressé mille dieux alentour,
Je ne saluerais pas la force sans l’amour!

Rome, décembre 1866.


L’ESCALIER DE L’ARA CŒLI.


On a bâti là, plus réel
Que l’échelle du patriarche.
Un escalier dont chaque marche
Est vraiment un pas vers le ciel.