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ce qui reste de force vitale pour expulser le vieil ennemi, qui se croyait déjà vainqueur. Maintenant, s’il ne survient pas de rechute, vous verrez notre ami bientôt entrer en convalescence et se guérir aussi de son ancienne maladie. J’espère pouvoir, en mars, l’envoyer à Venise, dont le chaud climat achèvera de remettre tout à fait sa poitrine. Sans être prophète, je puis vous annoncer qu’à moins d’accidens imprévus notre ami sera dans quelques mois aussi vigoureux et bien portant qu’il a jamais pu l’être.

En ce moment un bruit l’appela dans le cabinet, en sorte que j’eus le temps de me remettre du trouble où m’avait jetée ce changement subit. Dois-je l’avouer ? j’en étais plus étonnée que réjouie. Il allait donc me survivre, moi qui le croyais destiné à me suivre bientôt dans la tombe ! Cette impression ne dura guère. Bientôt je m’écriai : Dieu soit béni ! il vivra, il recouvrera ses forces, sa jeunesse ; ses plans et ses espérances pourront s’accomplir.

Le docteur rentra en me disant : — Le maître et le domestique dorment tous les deux. Je vous conseille d’en faire autant, mademoiselle, sur ce canapé. Pour moi, j’ai demandé du thé, je passerai le reste de la nuit à lire. Vous ne pouvez songer à retourner chez vous par cette nuit d’hiver. Ce serait compromettre tout le bien que vous a fait le séjour de Méran.

— Le bien ! dis-je en le regardant avec surprise. Sachez que je ne conserve pas la moindre illusion sur mon état, je sais parfaitement où j’en suis. En tout cas, le seul bien que je puisse obtenir, c’est de prolonger ma vie de quelques jours ou de quelques semaines.

Il se mit à rire. — Pardonnez-moi si je ne suis pas tout à fait de cet avis.

— J’ai pour moi, repris-je, l’opinion d’un de vos collègues très expert, comme vous pouvez vous en assurer par vos propres yeux, et je lui tendis le dessin de mon vieux docteur, qui se trouvait dans mon buvard, que j’avais apporté pour faire ma correspondance chez Morrik.

Après l’avoir sérieusement examiné, il me dit : — Je vous serai reconnaissant si vous voulez bien me permettre de tirer la chose au clair.

Il m’ausculta pendant dix minutes, s’assit, but lentement sa tasse de thé ; puis, comme je lui demandais si le dessin n’était pas exact : — Je ne sais trop qu’en dire, reprit-il ; s’il l’était lorsque votre médecin le fit, il ne l’est plus du tout, et notre climat me paraît avoir agi sur vous d’une manière vraiment miraculeuse. J’ai vu quelques exemples de malades qu’on nous envoyait comme incurables et qui se sont guéris ; mais ce qui me confond, c’est la rapidité de votre