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leurs intérêts, pour se rendre du bassin de la Loire, par exemple, dans le département du Nord? On ne peut supprimer l’influence de la capacité personnelle de l’entrepreneur, de son expérience, de sa sagacité, de son tact, de sa prudence ; ce sont là les qualités maîtresses qui décident du sort de toutes les importantes usines. Si niveleuses que puissent être les tendances démocratiques de notre temps, il est des vérités qu’il faut avoir le courage de dire : tout ne dépend pas dans l’industrie des bras de l’ouvrier, c’est l’intelligence et la volonté di patron qui sont les élémens primordiaux de la prospérité des vastes établissemens. Or, pour tout homme qui réfléchit et examine les choses de près, il est incontestable que le régime de la participation, appliqué à toutes les industries, entraverait l’action bienfaisante de ces facultés directrices sans lesquelles nous ne pouvons concevoir un grand progrès manufacturier. Il est des personnes qui voudraient introduire le suffrage universel dans l’industrie; nous ne pourrions pas, quant à nous, considérer un pareil changement comme, une amélioration.

Nous avons étudié, les diverses mesures que l’on a groupées sous le nom de participation des ouvriers aux bénéfices; nous avons distingué des procédés heureux, des modes féconds d’encouragement, de répartition des tâches, de rémunérations accessoires. Nous n’avons pas hésité à les recommander; patrons, ouvriers, consommateurs en peuvent retirer me réelle utilité. Quant au système véritable de l’association des ouvriers aux profits de l’entrepreneur, nous avons reconnu que dans certaines industries où la main-d’œuvre joue un rôle prépondérait, où le travail à la tâche et les primes fixes ne peuvent aisément fonctionner, ce système est susceptible de donner de bons résultats; mais nous regardons comme une erreur de vouloir étendre ce régime à tous les ateliers sans exception, parce qu’on s’en exagère le; avantages et qu’on s’en dissimule les inconvéniens : ceux-ci sont aussi certains et aussi graves que ceux-là sont généralement médiocres et problématiques. L’utopie des alchimistes au moyen âge, ce n’était pas de chercher à développer la richesse en passant au creuset es différens corps que recèle la nature; c’était d’espérer découvrir un procédé unique, infaillible, immédiat, pour créer l’opulence. Il en est de même de beaucoup de réformateurs et de philanthropes contemporains. Le monde industriel est plein de variétés et de complications, il convient de les étudier isolément pour rechercher les améliorations dont elles sont susceptibles; mais il ne faut pas espérer appliquer un régime uniforme et complètement nouveau à cette multitude d’établissemens si dissemblables par leur nature et par leur objet. Dans une des dernières séances de la Société des économistes, un homme qui