Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

production ou à l’épargne des matières, des retenues pour malfaçons, n’y est point d’une application facile et suffisante; enfin la prospérité de toutes ces industries dépend moins de la capacité commerciale des directeurs, de leur entente des affaires, de l’habileté de leurs spéculations que de l’administration intérieure et du zèle du personnel ouvrier. Il est incontestable que les établissemens qui sont dans de pareilles conditions peuvent retirer de grands avantages du système de la participation prudemment organisé; mais il n’en saurait être de même, à notre sens, pour les ateliers où la production est à la fois plus compliquée et plus régulière, où le capital joue un rôle prépondérant, où l’œil du maître et de ses principaux employés peut aisément embrasser tous les détails de la fabrication, où le succès dépend surtout de l’aptitude commerciale des directeurs. Cette distinction, il importe de la faire et de la maintenir, elle est capitale, et, pour la perdre de vue, on court les aventures, et l’on se prépare d’inévitables déceptions.

Le livre de M. Charles Robert, les pièces justificatives et les exemples qu’il a recueillis, viennent complètement à l’appui de cette opinion. Un certain nombre d’établissemens autres que ceux que nous avons cités ont voulu adopter le système de la participation aux bénéfices, mais dans tous, sans exception, il a échoué. On peut mettre cet échec au compte des circonstances adverses, c’est là un procédé commode, à l’aide duquel on pourrait tout justifier; mais tout esprit exact et investigateur découvre une raison plus haute et plus générale qui rend compte de l’insuccès du nouveau régime dans la plupart des industries. M. Charles Robert cite l’imprimerie Paul Dupont comme un des établissemens où l’association des ouvriers avec l’entrepreneur s’est montrée féconde. La participation aux bénéfices y est établie depuis 1848; elle doit donc être arrivée à la période de plein rapport et donner tous les fruits dont elle était susceptible. Eh bien ! à quels résultats est-on parvenu? C’est en 1863 que la répartition faite aux ouvriers a été le plus considérable, et pourtant elle ne s’est élevée qu’à 9,620 fr., qui, après certaines déductions réglementaires, se sont réduits à 7,175 fr. Or la maison Dupont occupait au 31 décembre 1863, dans les ateliers de Paris et de Clichy, 875 ouvriers et employés. La part des travailleurs aux bénéfices, dans l’année où elle s’est trouvée le plus considérable, eût donc été de 8 francs environ par tête ; mais l’on n’avait admis au partage qu’un peu moins du quart des ouvriers présens, soit 205 sur 875, et l’on put distribuer à chacun de ces privilégiés un dividende de 35 francs! Il est permis aux partisans absolus du système de la participation de citer de pareils exemples à l’appui de leur thèse; quant à nous, il nous est impossible de ne pas déclarer que de semblables résultats sont dérisoires, qu’ils con-