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cédé que par l’octroi d’une quote-part des bénéfices. Ici cependant apparaît un défaut grave du système de l’association. Pour peu que l’on examine le chiffre du dividende collectif réparti dans ces vingt dernières années aux ouvriers et employés de la compagnie d’Orléans, l’on constate une situation regrettable, mais qui est dans la nature des choses : c’est que depuis dix-sept ans ce dividende collectif n’a point cessé de décroître, alors que dans la même période le nombre des co-partageans n’a pas cessé d’augmenter. En 1853, la compagnie répartissait 1,966,963 francs entre 3,365 personnes; en 1868, elle ne distribue que 1,775,559 francs entre 11,376 employés. La réduction est des trois quarts au moins pour chaque employé, ce qui est infiniment regrettable, parce que les ressources diminuent ainsi chaque année, quoique le prix des choses s’accroisse; cela doit à la longue affaiblir le zèle de ces modestes travailleurs, qui, voyant leur part se réduire par une progression continue, doivent finir par se demander si le système de l’association n’est pas un leurre. Et cependant la volonté des hommes ne peut rien contre cette situation. En effet, à mesure que le réseau du chemin de fer s’étend, l’on exploite des lignes moins productives, qui rapportent tout au plus l’intérêt des frais d’établissement, qui entament même les bénéfices nets au lieu de les augmenter; d’un autre côté, il faut doubler et tripler le personnel pour suffire à cette extension du service. Malheureusement ces faits ne sont pas exceptionnels, on peut même les ériger en règle générale sous la formule suivante : toutes les fois qu’un industriel double sa production et le nombre de ses ouvriers, il n’augmente pas ses bénéfices dans la même proportion ; c’est une vérité d’expérience. Voyez les maisons de banque ou les sociétés anonymes qui doublent leur capital; il n’arrive jamais que le dividende reste le même pendant les années qui suivent cette opération. C’est là une chose grave au point de vue qui nous occupe ; il en résulte que, sous le système de la participation, le fabricant qui augmente son industrie et qui accroît le nombre de ses ouvriers est réduit à cette alternative : ou ne pas admettre les nouveau-venus sur le même pied que les anciens ouvriers au partage des bénéfices, ou prendre sur la part de ceux-ci pour distribuer à ceux-là. Les réformateurs ne s’occupent guère de ces minuties, ils citent à l’appui de leur thèse absolue l’exemple de la compagnie du chemin de fer d’Orléans, sans se douter que cet exemple est moins probant et moins décisif, quand on prend la peine de l’examiner de près.

Le troisième type du système de la participation des ouvriers aux bénéfices du patron nous est offert par les houillères de MM. Briggs, à Whitwood et Methley Junction, près de Normanton, en Angleterre. C’est le 1er juillet 1865 que ces hardis industriels inaugu-