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tuation parfaitement analogue à celle des ouvriers de la maison Leclaire; les uns et les autres ne pouvaient être stimulés que par les mêmes moyens. Un peu de réflexion suffira pour nous en convaincre. Dans une exploitation de chemin de fer, le matériel a, il est vrai, une importance énorme et complètement disproportionnée avec la valeur de la main-d’œuvre, voilà ce qui frappe les regards dès l’abord ; mais ce matériel, l’ouvrier n’a pas à s’en servir comme engin de fabrication, il a seulement pour tâche de l’entretenir, de le maintenir en bon état, de le ménager, de l’user aussi peu que possible. L’employé de chemin de fer doit être attentif, soigneux, circonspect, pour ne pas détériorer une richesse considérable, qu’il manie tous les jours et qu’il a mission de conserver. Il est évident qu’en pareille matière le zèle et la bonne volonté ont une influence considérable; en outre la surveillance est presque impossible pour tous ces détails du service : les employés sont disséminés, il n’est pas aisé de constater les dégâts qu’ils font ou qu’ils laissent faire, on est littéralement à leur merci. L’organisation du travail à la tâche est inapplicable pour l’immense majorité des cas; les primes à la production ne peuvent être davantage introduites dans une exploitation de ce genre, puisque l’employé ne fabrique pas, qu’il ne fournit aucun résultat matériel que l’on puisse mesurer par des procédés exacts et mathématiques. Ainsi tous les aiguillons qu’emploie avec plein succès la grande industrie sont exclus d’une administration de chemin de fer. Ce qu’il y faut, ce sont des primes à la conservation, c’est-à-dire au bon entretien de ce matériel immense, et, pour être efficaces, ces primes doivent être collectives, il faut qu’elles se répartissent entre tout le personnel pour stimuler l’énergie et le zèle de chacun. Cette fonction est admirablement remplie par la participation des ouvriers aux bénéfices nets de l’entreprise, car ces bénéfices n’étant calculés que déduction faite des frais de réparation et de renouvellement du matériel, l’employé se trouve intéressé à diminuer autant que possible le montant de ces frais. Aussi la compagnie du chemin de fer d’Orléans a-t-elle bien agi en décidant que, après un certain dividende versé aux actions, il serait prélevé 15 pour 100 du surplus pour être distribué entre les employés. Cette participation s’applique à tous ceux qui sont commissionnés à l’année, c’est-à-dire nommés par décision du conseil d’administration; elle comprend les contre-maîtres, les surveillans et concierges des gares, les garçons de bureaux, les agens fixes des ateliers, les chauffeurs, les poseurs de rails à l’année, les gardes-barrières, les graisseurs, les femmes du service de salubrité. Il n’est pas une de ces personnes qui, par négligence ou mauvais esprit, île pût détériorer impunément le matériel de l’exploitation, il n’en est pas non plus que l’on pût encourager au zèle par un autre pro-