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gences de leurs propres consciences. Alors même que ces libéralités devenaient pour eux fructueuses en formant un personnel d’ouvriers habiles et dévoués, c’étaient néanmoins des actes de générosité toute spontanée et volontaire. Un certain nombre d’industriels ou de compagnies ont introduit dans les règlemens de leurs maisons certaines clauses en vertu desquelles des sommes destinées aux secours, aux écoles, aux pensions, doivent être prélevées sur les bénéfices annuels jusqu’à concurrence de tant pour cent; ce n’est pas là ce que les ouvriers revendiquent quand ils réclament la participation aux bénéfices du patron. Il faut en pareille matière parler sans ambages le langage le plus net et le plus précis. Or dans toutes les langues il n’est qu’un mot pour désigner des institutions comme celles des contrées industrielles de l’est : ce sont des fondations de bienfaisance. Nous savons que notre démocratie a parfois des susceptibilités excessives, et qu’il est des termes, tels que bienfaisance, reconnaissance et respect, qu’elle voudrait rayer du vocabulaire moderne. Il faut protester contre cette barbare façon d’entendre le droit, qui supprimerait tout ce qu’il y a de généreux et de tendre dans l’âme humaine. Une société qui ne laisserait aucune place dans son sein aux œuvres charitables ne tarderait pas à être frappée d’anémie et à s’affaisser ou s’éteindre. Ainsi toutes ces institutions fécondes, nées de l’initiative des patrons, ne sauraient, sans une confusion évidente, être assimilées au système de la participation aux bénéfices.

Il en est de même pour un autre procédé qui, dans une certaine mesure, peut produire d’heureux effets : c’est celui qui consiste à placer les épargnes de l’ouvrier dans l’établissement où il travaille; on met à sa disposition des actions ou des coupures d’actions de peu de valeur et payables par des versemens successifs. Une usine du nord de la France a divisé ainsi son capital en parts de 50 francs. On peut de cette manière stimuler dans le personnel des fabriques le goût de l’économie et faire fructifier ses épargnes; mais, outre que tous les établissemens ne peuvent se constituer en sociétés par actions, il ne faut pas oublier que l’industrie est de sa nature exposée à des risques, qu’il est des momens de crise où les maisons les plus solides chancellent pour ne plus se relever, et que l’obole du pauvre, qui doit toujours être sacrée, peut se trouver compromise en courant les aventures. Il est des vérités qu’une certaine école de réformateurs semble constamment perdre de vue, et qui sont pourtant incontestables : c’est que l’industrie est soumise à des aléas, c’est que tous les établissemens ne font pas fortune, c’est qu’il y a parfois des périodes de perte, de décadence et de chute qui succèdent à des périodes de prospérité et de croissance.

Nous venons étudier diverses mesures que l’on a rangées à tort sous