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temps, plus de soins qu’à présent; il est clair que la centralisation des bulletins, le double fonctionnement de commissions locales et centrales, ne permettront pas de connaître aussi rapidement qu’aujourd’hui le résultat des élections; mais tout cela n’est qu’une question de zèle de la part des citoyens qui se dévouent au dépouillement, et de patience de la part des électeurs et des candidats qui attendent l’arrêt du scrutin. Après tout, est-ce donc un si grand malheur de ne pas savoir le jour même la réponse des urnes? Ne peut-on attendre quelques heures un résultat qui doit fixer les destinées du pays pour des années entières? Un retard de deux, trois ou quatre jours peut-il compenser la certitude de voir triompher le droit et la justice? Et d’ailleurs tout ne se passera-t-il pas, comme autrefois, au grand jour, sous la surveillance efficace et facile des intéressés et des citoyens?

En tout cas, nous l’avons dit, la complication relative des opérations de dépouillement n’est que secondaire. Le point essentiel, c’est la simplicité des fonctions de l’électeur. Est-il donc vrai que notre système les complique outre mesure? On nous accordera tout au moins que le dépôt des bulletins dans les urnes ne sera ni plus long ni plus compliqué qu’aujourd’hui. Le dérangement matériel ne sera en rien aggravé pour l’électeur, et l’acte même de voter n’arrachera pas plus longtemps le citoyen à ses devoirs et à ses occupations. Que reste-t-il donc? Il reste la nécessité pour le votant d’inscrire les noms des candidats sur son bulletin et de les inscrire dans l’ordre de ses préférences : d’où l’on tire encore cette objection, que les électeurs incapables de classer sur leurs propres listes leurs propres préférences seront bien plus incapables de les combiner avec celles de leurs compagnons de vote, qu’ils ne pourront s’entendre sur l’ordre à suivre, que les voix s’éparpilleront, et ne se grouperont jamais sur les candidats d’une manière normale et efficace. — Oui, vous avez raison, si vous supposez des électeurs absolument indifférens, ineptes, privés de tout moyen de s’entendre et de s’éclairer; mais vos reproches s’écroulent, si vous admettez la pleine et entière liberté de la presse, du droit de réunion et du droit de discussion. Notre système, et c’est ce qui l’honore, ne permet pas aux votans de n’être que des machines inconscientes. Il exige d’eux non pas une intelligence supérieure et des lumières exceptionnelles, mais tout simplement l’effort de savoir ce qu’ils veulent, et en cela, disons-le en passant, il devient un instrument d’éducation politique, car il force l’électeur à réfléchir et à user de droits indispensables à la vie d’une nation, les droits d’écrire, de se réunir et de discuter.

Vainement on ajoutera : Pour la formation de votre liste, les électeurs devront s’entendre, se concerter; ils tomberont alors sous la