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hautement que nos principes, au lieu de délocaliser la représentation, favorisent au contraire les influences et la représentation locales dans ce qu’elles ont vraiment de légitime et de respectable. Voici comment : les hommes qu’on redoute de voir exclus de la députation, ce sont apparemment ceux qui doivent à leur réputation de capacité, à leur talent d’administrateurs, à leur position de grands agriculteurs ou de grands industriels, une influence toute particulière dans le pays qu’ils habitent. Cette influence n’est sans doute point restreinte à une seule commune; elle s’étend au loin, elle rayonne dans le département, dans la province. — Dans l’état de choses actuel, qu’arrive-t-il? Un de ces hommes se présente à la députation : eh bien! une bonne partie de sa popularité lui est absolument inutile, car beaucoup de ceux qui le connaissent et voteraient pour lui se trouvent en dehors de l’étroite circonscription où il pose sa candidature. Le voilà donc dans cette condition doublement défavorable de n’être soutenu que par une portion de ses amis, et d’avoir en même temps besoin que ses amis soient en nombre, non pas seulement suffisant, mais supérieur à celui de ses adversaires. Aussi voit-on des hommes éminens, aimés de toute une province, utiles, nécessaires à la défense de ses intérêts, échouer misérablement dans un arrondissement. Avec notre système au contraire, la circonscription étant dix fois plus large, tous les amis du candidat pourront concourir à sa nomination, et le faire ainsi profiter du bénéfice complet de sa popularité. De plus, comme il suffira pour assurer l’élection d’un nombre déterminé de voix, si le candidat jouit vraiment d’une supériorité légitime, sa nomination sera certaine. Avec le régime nouveau, l’on verrait parvenir à la chambre des hommes considérables dans le pays que le régime actuel a jusqu’à ce jour impitoyablement écartés de la députation.

On nous dira encore : « Votre système est compliqué, et par là même impraticable. » — Cette complication est plus apparente que réelle, elle est bien plus dans l’esprit de ceux qui s’y heurtent que dans le système lui-même. En matière électorale, il y a deux sortes d’opérations qu’il faut avoir grand soin de distinguer : 1° celles qui incombent à l’électeur lui-même; 2° celles qui incombent aux fonctionnaires et aux citoyens chargés du dépouillement. Autant il est nécessaire que les premières soient claires, faciles, accessibles à toutes les intelligences et à toutes les bonnes volontés, autant il est d’une importance secondaire que les autres soient plus ou moins longues, plus ou moins minutieuses : il suffit qu’elles ne puissent se soustraire à un contrôle sérieux et éclairé. Or nous ne nions pas que dans notre système les opérations du dépouillement et les fonctions d’assesseurs, de scrutateurs, de vérificateurs, exigent plus de