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du reste ne se produirait jamais que pour un nombre de sièges extrêmement restreint, — on pourrait combler les vicies en proclamant élus les candidats qui réuniraient (au-dessus toutefois d’un certain minimum de voix) le plus grand nombre de suffrages relativement aux députés ayant atteint le quotient complet[1].

Nous savons bien qu’ici nous allons rencontrer plus d’une objection. On nous reprochera de faire des catégories de députés, de donner des représentans de premier, de second ou de troisième ordre suivant qu’ils seront élus par la première opération des circonscriptions ou par le dépouillement de la commission centrale, ou par un nombre de voix inférieur au quotient normal. Or, en premier lieu, entre les deux premières catégories il y aurait égalité parfaite, les députés de chacune d’elles ayant obtenu le même nombre de voix. Qu’importe, s’il vous plaît, à la validité du mandat, que les suffrages qui se sont réunis sur la tête d’un représentant viennent d’un seul collège ou des divers points de la France ? Et quant à la troisième catégorie, théoriciens intraitables, reportez-vous, de grâce, à ce qui se passe aujourd’hui. Avez-vous jamais songé à dire aux députés, — la candidature officielle à part, — qu’ils avaient des mandats de valeurs diverses ? Non, n’est-ce pas ? Pourtant les uns sont élus par 30,000 suffrages, les autres par 15,000, voire même par 12,000 quelquefois. Comment donc un pareil reproche deviendrait-il fondé à l’égard de mandataires nommés par un nombre de voix qui, grâce au minimum fixé, ne pourrait donner lieu à des écarts aussi graves que ceux soufferts aujourd’hui patiemment ?

On ne manquera pas non plus de nous dire : Avec votre système, on ne nommera plus que des hommes populaires ou du moins connus dans tout le pays à un titre quelconque. Vous tuez du coup les influences locales, vous délocalisez absolument la représentation. — D’abord nous pourrions répondre qu’un député n’est pas uniquement et exclusivement le représentant d’un coin de terre, d’un clocher, et qu’il doit aussi, avant tout peut-être, représenter la nation tout entière ; mais nous allons plus loin, et nous affirmons

  1. Nous pensons que ce dernier expédient pourrait également servir en toute justice et en toute utilité au cas où des vacances se produiraient, durant le cours d’une session, dans un collège électoral, par suite de mort ou de démission. On appellerait à remplir ces vacances les candidats qui, aux élections générales, auraient obtenu (toujours au-dessus d’un minimum fixé) le nombre de voix le plus considérable relativement au quotient normal, et qui déjà n’auraient pas été appelés à compléter la représentation. Leurs noms seraient d’avance proclamés, lors du dépouillement général, en prévision de cette éventualité. Le siège vacant serait, bien entendu, attribué à celui de ces députés suppléans qui, dans la circonscription où se produirait la vacance, aurait obtenu la plus forte fraction de suffrages. Nous savons qu’on a proposé en pareil cas, et par exception, de faire remplir la vacance par l’élection à la majorité ; mais cette dérogation au principe, bien qu’exceptionnelle, serait mauvaise à nos yeux ; le procédé que nous proposons nous semble au contraire de beaucoup le plus rationnel.