Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/398

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

norité a droit dans la représentation à une certaine part, certaine, c’est-à-dire préjugée par le législateur. Voici donc ce qu’il nous propose; nous lui empruntons ses propres expressions[1] :


« Chaque circonscription électorale nomme un député. — Il est facultatif à tout électeur d’écrire deux noms sur son bulletin. — Le premier nom sera celui du citoyen qu’il désigne pour être député de sa circonscription. Le second nom sera celui d’un citoyen qu’il désire voir élu représentant de la nation, soit dans la circonscription, soit ailleurs. — Les deux noms peuvent être celui du même citoyen; mais dans ce cas le bulletin ne comptera jamais que pour un suffrage dans le scrutin de la circonscription. — Le second nom sera écrit à la main sous peine de nullité. — Les suffrages accordés au moyen de l’inscription d’un second nom sur le bulletin sont recensés dans toute la France, et les 60 citoyens qui en ont obtenu le plus grand nombre font partie de la représentation nationale, pourvu qu’ils réunissent un nombre de voix égal au moins à celui obtenu par le député de circonscription qui a été élu par le moins de suffrages. »


Le but de la combinaison, on l’a déjà compris, c’est d’empêcher que les portes du corps législatif ne restent fermées devant ces chefs illustres des minorités que trop souvent leur importance et leur gloire même exposent à un échec dans une circonscription déterminée. Pour nous, dès le premier coup d’œil, un pareil système est condamné, irrévocablement condamné, en théorie comme en pratique : en théorie, parce que l’idée de la proportionnalité, mère de toute justice et de toute vérité électorale, ne reçoit même pas ici le plus léger hommage. L’auteur du projet ne paraît pas s’être douté qu’il existât un principe de ce genre. De son autorité privée, il donne 60 sièges à la minorité. Pourquoi 60? pourquoi pas 40? pourquoi pas 100? pourquoi pas 150? Est-ce là, oui ou non, de l’arbitraire? En pratique, parce que d’abord, en maintenant tel quel le vote actuel par circonscription à la majorité des suffrages, le système maintient entières toutes les funestes conséquences, toutes les violations de la justice, de la raison, de la liberté, de la conscience, de la paix publique, déjà tant de fois par nous énumérées, — parce qu’ensuite il n’accorde en somme aux minorités qu’une chance insignifiante et dérisoire. Dans la pensée de l’auteur du projet de loi, ce second vote, qui doit faire asseoir sur 60 sièges réservés 60 représentans nationaux, ce second vote ne doit profiter qu’aux seuls membres de la minorité. M. Herold, cela est évident, n’a songé qu’à ceux des électeurs qui, battus dans leur circonscription particulière, voyaient leur suffrage annihilé. A ces

  1. Un Projet de loi électorale, par M. Herold.