Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/397

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rité passent d’emblée, et la minorité, le tiers des électeurs, se voit frustrée sans ressource. C’est le plus simple des calculs. Voici maintenant, la proportion numérique entre les deux partis étant toujours la même, voici que la majorité, faute de pouvoir parfaitement s’entendre sur le choix de ses mandataires, présente non plus deux ou trois, mais quatre candidats; les voix s’éparpillent, et pendant ce temps la minorité, mieux avisée ou mieux conduite, s’assure la majorité dans la représentation en s’emparant de deux sièges sur trois. C’est encore un calcul bien simple. Et combien cette dernière éventualité ne devient-elle pas plus probable dans les cas, — très fréquens, — où la minorité dépasse le tiers des électeurs ! Il suffit alors que la majorité présente non pas deux, mais un seul candidat de trop, il suffit du plus léger éparpillement des voix, du moindre accroc à la discipline, pour que la minorité, contre toute justice, surprenne la victoire et usurpe le gros lot dans la représentation. Et dans tout ceci, — nous tenons à ce qu’on le remarque, — nous n’inventons pas à plaisir des difficultés imaginaires. Depuis deux ans, le vote incomplet fonctionne en Angleterre dans quelques collèges. Qu’a-t-il produit aux dernières élections? Tout justement les étranges injustices dont nous venons d’énumérer les plus criantes. A Birmingham, le parti libéral, un parti qui compte dans la ville, n’a pu s’assurer un seul siège, parce que sa force s’est brisée contre cette discipline de la majorité que signalait notre première hypothèse. A Londres, le plus populaire, le plus aimé des candidats whigs, le baron de Rothschild, est resté sur le carreau, parce que, confians dans cette popularité de leur chef, les libéraux crurent devoir concentrer leurs efforts sur l’élection plus douteuse de leurs autres candidats. A la faveur de cette simple faute de tactique, la minorité triompha du plus important, du plus unanimement désiré des députés de la majorité. Ce sont là des faits qu’on ne peut récuser.

Voilà donc où aboutissent ces deux systèmes; ils laissent subsister, ils rendent même nécessaires les coalitions, la lutte, la division entre concitoyens. En théorie, ils tombent dans l’arbitraire, par ce seul fait qu’ils préjugent et déterminent a priori d’une manière absolue la part de à minorité, élément essentiellement variable; en pratique, ils tombent dans l’absurde et dans l’injuste, parce que tantôt ils frustrent la minorité de toute participation à l’élection des députés, et tantôt ils la comblent jusqu’à la substituer à la majorité. Avions-nous donc tort de dire que ces deux systèmes n’étaient nullement proportionnels?

Jetez maintenant un coup d’œil sur un autre système, tout fraîchement éclos sous la plume d’un des jeunes candidats de la démocratie radicale aux dernières élections, M. Herold. Animé, lui aussi, des meilleures intentions, M. Herold part de ce principe, que la mi-