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de ceux qui doivent contrôler ses actes ? Certes ce n’est pas nous qui défendrons les candidatures officielles de ces dernières années. Il n’est pas besoin d’être bien exigeant pour se croire en droit de réclamer plus d’égalité dans les armes et de loyauté dans la lutte ; mais oublions un instant le régime sous lequel nous avons vécu ; supposons-nous dans la plus honnête des républiques. Pense-t-on que le ministère en charge n’aura pas ses candidats, et ne cherchera pas à les faire prévaloir ? Par la même raison que l’opposition s’efforce d’assurer le triomphe de ses hommes, il est tout naturel que le gouvernement désire voir ses partisans victorieux. Il en a été ainsi dans le passé, et il en sera sans nul doute ainsi dans l’avenir.

Allons pourtant plus loin : écartons toute idée de pression préfectorale ou ministérielle, reste la corruption, la corruption administrative ou particulière. Assurément, sur ce point encore, on peut sans trop d’ambition aspirer à des jours meilleurs ; il est permis d’espérer qu’un temps viendra où les rastells ne feront plus partie des institutions électorales ; mais enfin la corruption est tout autant le fait des électeurs qui la provoquent que des candidats qui la pratiquent. Eh bien ! il y aura toujours des gens qui auront ou croiront avoir besoin des faveurs administratives. Prétendrait-on éteindre la race des ambitieux et des plats ? Quant à la corruption particulière, bien habile en vérité celui qui trouverait contre elle une recette infaillible. Il en faudrait une d’abord contre l’ivrognerie et la cupidité. Et puis, s’il est facile de châtier des manœuvres honteuses lorsqu’on en tient la preuve, cette preuve elle-même n’est pas toujours aisée à saisir. On n’a pas toujours le bonheur d’avoir en main des factures acquittées. La corruption la plus dangereuse et la plus impossible à prévenir, c’est justement celle qui ne laisse pas derrière elle de traces compromettantes, celle qui, étant de tous les jours, de tous les instans, fait pour ainsi dire partie des mœurs du candidat et de l’électeur, celle qui se couvre du nom de « réceptions » et de « rapports de société, » lorsqu’elle s’adresse aux électeurs aisés, et du titre de « charités légitimes, » lorsqu’elle s’adresse aux malheureux. Que répondre à un candidat qui vous dit simplement : «Je suis riche, et j’aime à donner. Ceux qui m’entourent sont pauvres ; j’ai coutume, comme l’ont fait mes pères avant moi, de soulager leur misère. Où est le mal ? et quoi de plus naturel ? » En effet, quoi de plus naturel ? Sous quel prétexte proscrire la charité et la reconnaissance ?

Telle est la réalité ; mais jetons-nous dans l’idéal. Les administrateurs sont pleins d’abnégation, les électeurs pleins de conscience et les candidats pleins de scrupules. La réforme électorale est-elle complète ? Oui, s’il suffit d’assurer l’indépendance matérielle des