Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’avec la pensée de faire de rapides fortunes. Une administration active, zélée, intelligente et rigoureusement probe est ce qui manque le plus aux Philippines.

On a accusé les moines de retarder les progrès de la colonie, de gêner l’essor des populations vers une vie plus active et des sphères plus larges. Rien n’est moins juste. Les moines ont amené les indigènes des Philippines au plus haut point de civilisation dont soit susceptible une race qui était, il y a quatre siècles, au dernier degré de la barbarie. Le temps et les mélanges de sang amèneront d’autres progrès sans doute ; mais les ordres monastiques peuvent contempler avec un légitime orgueil leur ouvrage dans ces 4 millions 1/2 d’indigènes chrétiens, dans ces paysans des Philippines plus civilisés, plus indépendans et plus riches que ceux d’aucune possession européenne en Asie, d’aucun pays d’Orient peut-être. Que l’Espagne leur laisse donc continuer en paix leurs travaux ; elle ne saurait avoir de plus utiles serviteurs aux Philippines. Si elle veut réformer et améliorer, qu’elle tourne son attention vers l’administration, les monopoles, les moyens de communication, l’état de l’agriculture et du commerce, elle y trouvera plus d’un abus à faire disparaître, plus d’un progrès à favoriser. Il lui rendra un immense service, celui qui accomplira cette tâche ardue ; mais elle a bien trop d’embarras aujourd’hui, tant chez elle qu’en Amérique, pour songer à sa lointaine possession d’Asie. Il faudrait d’ailleurs, pour qu’elle pût réformer sa colonie, qu’elle entreprît d’abord de se réformer elle-même. Espérons cependant que le jour viendra où ce beau pays des Philippines pourra devenir une importante ressource pour la métropole et tenir dans le monde la place qui lui est due.


Un jeune voyageur, qui ces dernières années a employé ses loisirs à visiter l’extrême Orient, a bien voulu nous communiquer ce vif récit, tiré de son journal. Les pages qu’on vient de lire font naturellement désirer que ce journal de voyage soit un jour livré à l’impression, et pour notre part nous espérons y puiser encore. C. Buloz.
90