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mer, et qui s’étendait sur une largeur de près de 1 000 pieds. Aujourd’hui même, à Pompéi, le temple d’Isis et ses environs, l’intérieur des égouts qu’on n’ose fouiller, sont parfois empestés par des exhalaisons de gaz acide carbonique qui prouvent que les fissures s’entr’ouvrent ou sont prêtes à s’entr’ouvrir à chaque mouvement du Vésuve ou du sol. Dans le journal des fouilles, rédigé par les surveillans, on voit qu’à diverses époques les travaux ont été arrêtés par des émanations méphitiques (mofeta), et qu’on n’aurait pu les continuer sans exposer les ouvriers à être asphyxiés. Ces témoignages sont autant de preuves de la persistance des fissures, c’est-à-dire des parties faibles, qui subissent, dans la profondeur de la terre, les premiers assauts du feu terrestre.

Une preuve plus décisive encore, c’est le tremblement de terre qui a renversé Pompéi le 5 février de l’an 63. Ce tremblement de terre, prélude de catastrophes plus terribles, n’avait fait que secouer les autres villes de la Campanie ; Naples même, qui avait vu tomber plusieurs maisons, avait conservé tous ses édifices solidement bâtis. Au contraire les villes placées sur les fissures normales qui partaient du centre du Vésuve reçurent toute la violence du choc. Herculanum fut à demi détruite, Pompéi entièrement renversée selon les historiens ; des statues furent fendues sur leurs piédestaux ; les troupeaux, affolés par la terreur, s’étouffèrent en se pressant les uns contre les autres ; les habitans coururent éperdus dans la campagne, et plusieurs restèrent fous. L’émotion fut telle, même à Rome, que le sénat délibéra pour savoir s’il permettrait aux Pompéiens de revenir sur un sol aussi dangereux et de reconstruire leurs maisons. On le permit ; plus d’un riche Pompéien s’était déjà défait à bas prix de sa propriété et avait emporté ses meubles et ses objets les plus précieux, fuyant à jamais un pays frappé par la colère des dieux ; c’est pourquoi dans certains quartiers de Pompéi nous trouvons deux ou trois maisons reliées les unes aux autres malgré des plans et des niveaux différens ; probablement les voisins de ceux qui voulaient quitter la ville avaient profité de ces ventes précipitées et étendu leurs propres demeures ou leurs bureaux, puisqu’ils étaient presque tous des commerçans, en perçant des portes et en se raccordant par des escaliers.

La reconstruction de Pompéi fut rapide, les temples furent rebâtis, plus petits et moins riches qu’ils n’étaient auparavant, celui d’Hercule notamment ; le forum fut au contraire agrandi et embelli ; les décurions, les duumvirs, les édiles, luttèrent d’activité et de zèle ; les statues que leur votèrent leurs concitoyens et les inscriptions qu’on trouve sur les piédestaux en sont l’irrécusable témoignage. Les théâtres n’étaient pas tout à fait achevés, le forum occupait encore les ouvriers, et des blocs étendus sur le sol