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Hélas ! les artistes ou les savans qui assistèrent à la découverte n’eurent pas l’idée de profiter d’une telle fortune, d’arrêter les ouvriers, de refermer la brèche qu’ils avaient faite, et de verser dans les cavités qui s’offraient du plâtre délayé. Ils auraient ressuscité ainsi ce monceau de victimes, et nous auraient gardé l’image d’un drame autrement saisissant que le tableau des Massacres de Scio ou du Naufrage de la Méduse. Une inspiration aussi simple ne leur vint pas, ils se contentèrent de couper seize morceaux de terre où l’empreinte était plus jolie, de mouler des seins de femme qu’on exposa sous une vitrine du musée, d’envoyer à Portici des crânes qui avaient encore leurs cheveux, et tout fut démoli pour être emporté dans des hottes ! On avait fait toutefois quelques observations intéressantes. La plupart des morts avaient sur la tête des étoffes épaisses qui descendaient sur leurs épaules ; c’étaient les capuchons qu’ils avaient mis avant de quitter leurs demeures afin de se protéger contre la chute des pierres ponces. Deux jambes semblaient couvertes de longs caleçons, ce que nous verrons confirmé par des recherches récentes. Plusieurs étaient sans souliers, d’autres n’avaient que des chaussures grossières, et la qualité de leurs vêtemens dénonçait des esclaves ou des gens pauvres. Toutefois une femme plus riche et plus élégante fut reconnue à la finesse des tissus qui avaient laissé également leur empreinte sur la cendre avant d’être consumés par le temps et par l’humidité. Auprès d’elle furent retrouvées 28 monnaies, 2 bracelets d’or, un collier avec une bulle, des bagues avec des pierres gravées, etc.[1]. On ne manqua pas de dire que c’était la fille de Diomède.

Des exhalaisons méphitiques (mofeta gagliardissima) arrêtèrent tout à coup les travailleurs. Il fallut fuir jusqu’à ce qu’on pût aérer ce lieu dangereux. On reprit les fouilles au dehors, afin de dégager le jardin et les soupiraux des celliers. En faisant ce travail, on recueillit des ossemens humains à des places diverses. Le Journal des fouilles ne fait guère que les indiquer : on peut le consulter en se référant aux dates suivantes : le 6 février 1773, un squelette fut trouvé sous la première couche de cendres, auprès de lui 1 pièce d’or, 4 boucles d’oreilles communes et 43 monnaies consulaires d’argent avaient été enveloppées dans un morceau de jonc tressé ; le 13 février, à côté d’un autre squelette gisait dans une chambre presque vide celui d’un petit enfant portant au doigt une bague d’or ; le 20 février, ce sont quatre squelettes qui apparaissent, l’un d’eux avec une bague de fer ; le 29 mai, un nouveau squelette atteste qu’un

  1. Le détail des objets recueillis dans ce souterrain est donné par les inventaires manuscrits que M. Fiorelli a publiés, t. I, p. 268 et 269.