Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/336

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tielles et des cendres qu’elles entraînaient à travers la couche de pierres ponces comme à travers un tamis ; mais cette mort plus rapide n’échut qu’aux Pompéiens descendus dans des souterrains et des lieux bas : c’est l’histoire de ceux qui s’étaient abrités dans les belles caves de la maison de Diomède, et qui seront tout à l’heure l’objet d’une description spéciale. Les plus misérables au contraire furent ceux qui s’étaient ménagé une retraite si sûre et si impénétrable qu’ils ont eu le temps d’y souffrir la faim et une lente agonie. Le 30 août 1787, un corridor solidement voûté, clos à ses deux extrémités, a été reconnu vide. Ni les pierres ponces, ni les cendres délayées par l’eau n’y avaient pénétré. Dans ce corridor gisaient dispersés les os d’un homme. Ces os avaient été traînés à des places différentes ; ils avaient été rongés aux jointures, non par le temps, mais par la dent d’un carnivore. En effet, on remarqua bientôt le squelette d’un chien captif avec son maître. Le maître était mort de faim le premier ; le chien avait mangé le cadavre, prolongé sa vie, et était mort à son tour. Qui peut dire aussi ce qu’a souffert le marchand mal inspiré qui se réfugia dans sa boutique, fortement close, sous l’image peinte d’Hercule Vainqueur[1], avec son pécule composé de cinquante-sept monnaies d’argent (trente-sept étaient des monnaies consulaires) ?

La troisième cause fut le dégagement des gaz impropres à la vie. Ces gaz sont de trois sortes, le gaz acide chlorhydrique, l’acide sulfureux, l’acide carbonique ; tous les trois sont plus lourds que l’air, tombent sur le sol et asphyxient ceux qui les respirent. J’ai expliqué déjà comment ils émanent des laves incandescentes et sortent des fissures qui rayonnent normalement du Vésuve. Pompéi, située sur une de ces fissures, est sujette, dès que le sol s’émeut, à ces redoutables émanations ; elles se répètent souvent, même de nos jours, et l’on sait que dans certaines parties de la ville, notamment dans le quartier plus bas des théâtres et du temple d’Isis, il serait dangereux de se coucher, parce qu’on respirerait de l’acide carbonique. Dans les fouilles, on est parfois arrêté par ces gaz méphitiques, que les Italiens appellent mofeta, qui proviennent non de la décomposition des corps animés, mais du feu souterrain ou des laves, et qui s’échappent par des fentes profondes et inconnues. Les égouts de Pompéi n’ont pu encore être déblayés, quoiqu’on espère y trouver des objets précieux entraînés par les torrens de cendres et de pluies, parce que des gaz s’en dégagent aussitôt qui renversent les ouvriers.

Le 1er  février 1812, sur la voie antique qui reliait Pompéi à Her-

  1. Fiorelli, Giornale degli Scavi, 1861, p. 94.