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de la grêle, quand elle tombe forte et mêlée de glaçons ; encore la grêle a-t-elle beaucoup plus de densité.

Quoiqu’il fût l’heure où le jour recommence, la nuit la plus noire et la plus épaisse couvrait tout le golfe ; on ne se conduisait qu’à force de torches et de lumières de tout genre. On se rend au rivage pour essayer de reprendre la mer : elle était grosse et contraire. Là, Pline fait étendre une voile sur la cendre, s’y couche, demande de l’eau fraîche et en boit deux fois. Tout à coup des flammes et une odeur de soufre qui précède les flammes mettent tout le monde en fuite et le forcent de se lever. Il s’appuie sur deux esclaves qui l’accompagnent, fait un effort et retombe mort. Il était asthmatique, nous dit son neveu, et sujet aux suffocations ; mais cette faiblesse de poitrine ne suffit pas pour expliquer sa mort. Les flammes et l’odeur du soufre dénotent trop clairement une émission subite de gaz échappés de fissures. Ces gaz devaient être de deux sortes, le gaz acide sulfureux, mortel pour ceux qui le respirent, et le gaz hydrogène carboné ou carbure d’hydrogène, qui s’enflamme au contact de l’air. Par sa combustion, il dégage le gaz acide carbonique ; celui-ci, plus pesant, retombe et est également mortel. C’est ainsi que dans l’éruption de 1861 on a vu les laves de 1794 se rouvrir et laisser échapper par leurs fissures des gaz combustibles qui prenaient feu aussitôt. Il faut en outre considérer que Pline était couché sur le rivage, et que du fond de la mer se dégageait probablement une grande quantité d’acide carbonique qui formait une couche de plus en plus épaisse sur la surface du sol. Pline l’Ancien a subi le sort du chien que l’on introduit dans la grotte voisine de Pouzzoles. Tant qu’on le tient en l’air, il respire aussi bien que les visiteurs ; dès qu’on le pose à terre, il est asphyxié par l’acide carbonique, et, si les visiteurs se baissaient au lieu de se tenir droits, ils seraient également asphyxiés.

En se couchant, Pline alla au-devant du danger. Ses compagnons, qui étaient restés debout, purent s’échapper sains et saufs. Les esclaves qui l’assistaient n’éprouvèrent aucun mal, parce qu’ils se baissèrent à peine pour l’aider à se relever. Le hasard a de ces ironies : l’illustre naturaliste ignorait les phénomènes de la nature ; ce savant ne savait pas que dans toute éruption les gaz émanés des coulées de lave et des fissures sont funestes aux êtres animés, et forment les couches inférieures de l’air parce qu’ils sont plus lourds que l’air. Il est mort parce qu’il s’est couché ; s’il était resté debout, il aurait lui-même fait la relation de tout ce qu’il avait vu. Lorsqu’on revint trois jours après, le calme étant rétabli, on trouva, il est vrai, son corps intact et qui semblait dormir ; mais on oublia sous la cendre les tablettes sur lesquelles il avait consigné des observations qui auraient été plus curieuses pour nous