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eaux, et qui montra comment les dépôts successifs se sont formés. C’est ainsi que le golfe d’Utique a été comblé par les vases d’alluvion tandis que les sables allaient remplir et effacer les ports de Carthage. On prétend que des mâts de navire ont été trouvés enfouis au-delà de Castellamare, à plus de 500 mètres du rivage actuel : ce serait une indication de l’ancien port de Stabies. Pline s’était porté de ce côté, autant pour observer le Vésuve que pour secourir son lieutenant Pomponianus, qui résidait à Stabies avec une partie de la flotte. Pomponianus, voyant approcher le danger, avait chargé ses vaisseaux, et attendait pour s’éloigner que le vent cessât d’être contraire. Pline le trouve tout tremblant, l’embrasse, l’exhorte, le rassure par sa propre sécurité, prend un bain, soupe gaîment, ou du moins en feignant la gaîté. Quand la nuit fut venue, de larges flammes et comme de vastes incendies éclataient sur plusieurs points du Vésuve. Pline prétendit que c’étaient des maisons de campagne abandonnées et des villages où l’on avait eu l’imprudence de laisser des feux allumés. Il ne pouvait connaître ni les gaz inflammables qui prenaient feu au contact de l’air, ni la réverbération de la lave du cratère sur les nuées, ni les coulées de lave peut-être qui commençaient à déborder des fissures. Il se coucha, et dormit si profondément que ceux qui veillaient à sa porte l’entendaient ronfler.

Vers le matin, il fallut l’éveiller cependant. La cour qui précédait sa chambre se remplissait de cendre et de pierres ponces qui menaçaient d’obstruer bientôt toute la hauteur de la porte. On tint conseil ; on se demanda s’il fallait s’enfermer dans les maisons ou gagner la campagne. Les secousses de tremblement de terre qui chassaient à la même heure les habitans de Misène forcèrent également ceux de Stabies à camper à ciel ouvert, tant leurs maisons, agitées par de fortes oscillations, semblaient sur le point de les écraser. Hors de la ville, il est vrai, la pluie de pierres était gênante ; mais ces pierres étaient poreuses et légères, ne blessaient point, et l’on s’en garantissait en plaçant sur sa tête un oreiller attaché avec un linge ou une bandelette ; cette simple précaution suffisait. Voilà certainement ce que firent à Pompéi tous ceux qui eurent l’heureuse inspiration de quitter la ville au lieu de s’enfermer chez eux. On remarquera aussi que la pluie de cendre et de pierres ponces commença le soir même à Retina, pendant la nuit à Stabies, le lendemain seulement à Misène ; Misène ne reçut que de la cendre. Il est évident que si les matières lancées par le Vésuve eussent été incandescentes ou assez chaudes pour allumer des incendies, comme on l’a dit quelquefois, les Romains et les Stabiens n’auraient point songé à s’exposer à cette pluie en rase campagne. L’inconvénient était celui