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ce moment que le bourreau fait son office. Ces hommes sont très adroits ; l’arme dont ils se servent a le poids d’un couperet de boucher et le tranchant d’une lame de rasoir. Très rarement ils manquent leur coup ; même lorsqu’ils frappent à faux, même lorsqu’ils sont obligés de s’y prendre à deux ou trois fois pour séparer la tête du tronc, il est presque certain que le premier coup qu’ils donnent est mortel.

Simidso Sedji sauta à bas de la chaise aussitôt que la porte en fut ouverte. Il n’y avait nulle crainte qu’il faiblît, et on ne l’avait lié en apparence que pour l’empêcher de courir et de faire usage de ses mains. Il rejeta la tête en arrière, effaça les épaules, respira à pleins poumons et fixa pendant plusieurs secondes son regard sur le soleil qui brillait devant lui ; puis, d’un pas élastique et rapide, il se dirigea vers le petit monticule placé devant la fosse où la mort l’attendait. De même que le jour précédent, il était habillé avec soin. Son visage était pâle, mais ses dents serrées, faisant saillir la mâchoire, imprimaient une telle expression de farouche énergie à ses traits, que la fatigue que j’y avais remarquée la veille avait disparu ; un sourire étrange, un sourire de dédain et de désespoir, plissait ses lèvres.

Arrivé à l’endroit où il devait s’agenouiller, il échangea quelques paroles avec l’exécuteur, probablement au sujet du drame qui allait se passer, car je le vis se tourner et indiquer du regard sa place et celle du bourreau. Comme un valet s’approchait pour lui bander les yeux, il l’écarta. « Ne craignez pas, dit-il d’une voix calme et polie, que je fasse un mouvement. Je sais fort bien ce qui me reste à faire. » Sa demande lui fut accordée. On y paraissait préparé, et je ne doute pas que le gouverneur ne fût en quelque sorte fier du spectacle qu’il offrait aux étrangers. « Il se peut, avait-il l’air de dire, que vous mouriez aussi bien que Sedgi ; mais il vous est impossible de mourir mieux. »

Les derniers préparatifs de l’exécution se firent rapidement. Sedji, après avoir placé du pied la natte où il devait s’agenouiller, prit, sans se presser, la position requise. Les valets se tinrent près de lui pour lui donner assistance en cas de besoin ; mais ses genoux ne fléchirent point. Une fois assis, il fit un mouvement d’épaules comme pour se mettre à son aise et pour bien découvrir son cou. Le bourreau saisit ! e sabre et l’examina minutieusement, puis il retroussa les larges manches de sa robe, et, les paumes de ses mains l’une contre l’autre, il leva les bras au-dessus de sa tête pour bien s’assurer que rien ne le gênerait dans les mouvemens qu’il aurait à faire. Sedji suivait chaque geste avec la plus grande attention. « Est-ce que tout est prêt ? » demanda-t-il lorsque le bourreau, ayant passé der-