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SIMIDSO SEDJI.

senté : quant aux mesures d’ordre public que l’on prend en de pareilles circonstances en Europe, elles faisaient complètement défaut. Il y avait par-ci par-là quelques officiers et soldats qui paraissaient de service ; mais ils étaient éparpillés dans la foule, et l’ordre se maintint sans leur intervention.

La mise en scène des exécutions japonaises est des plus simples : il n’y a là ni potence, ni guillotine, ni billot, ni siège où l’on attache le patient ; il y a seulement une fosse de 5 pieds de long pour recevoir le cadavre, une petite natte en paille commune sur laquelle le condamné s’agenouille, enfin un seau contenant de l’eau chaude. Le Japon a encore certaines mœurs du moyen âge ; les grands criminels y périssent dans d’atroces souffrances : on les crucifie, on les coupe en morceaux avant de les tuer, on les fait mourir à petit feu. Les anciens résidens de Yokohama se souviennent de l’incendiaire coupable d’avoir mis le feu à la ville de Décima, et qui, attaché sur un bûcher, avec de la claie humide sous les bras, entre les jambes et autour du cou pour ralentir l’effet du supplice, fut brûlé vif en présence d’un grand concours de Japonais et d’étrangers. Ceux qui se rendent souvent de Yokohama à Yédo savent aussi qu’en restant sur le Tokaïdo, la grande route, ils doivent passer devant la place des exécutions de la capitale. Lorsqu’ils voyagent en compagnie de femmes ou de personnes impressionnables, ils aiment mieux faire un grand détour pour éviter cet endroit, car ils se rappellent y avoir vu des hommes et des femmes crucifiés, dont les chairs mutilées palpitaient encore, et dont les visages grimaçaient dans les souffrances d’une horrible et lente agonie.

Dans les exécutions ordinaires comme celle qui allait avoir lieu, le condamné se place à genoux devant la fosse ouverte ; il est lié, mais peu étroitement, et ses mouvemens paraissent presque libres ; les bras cependant sont attachés sur le dos, poignet serré contre poignet. Il porte la robe ordinaire des Japonais ; cette robe est largement ouverte de manière à laisser le cou et la nuque entièrement nus. Au dernier moment, on lui bande les yeux et on l’avertit de se tenir dans une immobilité complète en lui faisant comprendre qu’un mouvement qui empêcherait le bourreau de frapper juste ne ferait que prolonger son agonie. L’exécuteur est placé à sa gauche, armé d’un sabre long et lourd qu’il tient des deux mains. Lorsque le condamné se tient tranquille, l’exécuteur lui dispose la tête dans la position requise et guette le moment propice pour asséner, prompt comme l’éclair, le coup fatal. Lorsque le patient se débat ou menace de faiblir, il est garrotté de manière à se tenir forcément à genoux. Un valet placé derrière lui soulève les bras, qui font alors levier et forcent le cou à prendre une position horizontale ; c’est en