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SIMIDSO SEDJI.

2 pieds de longueur et qui, partant de l’épaule droite, aboutissait à la hanche gauche, devait, d’après la déclaration du docteur, avoir amené la mort dans l’espace de vingt minutes au plus. Cette contradiction entre la déclaration des témoins et le résultat de l’enquête médicale n’a pas été éclaircie.

Baldwin et Bird furent enterrés dans le cimetière de Yokohama. Le régiment auquel ils avaient appartenu, la communauté étrangère et un grand nombre de fonctionnaires japonais assistaient à la cérémonie funèbre. Le colonel du régiment prononça quelques mots qui firent monter les larmes aux yeux des hommes qui l’entouraient ; le ministre anglais jura, en présence des tombes ouvertes, de ne rien négliger pour venger l’infâme meurtre. Un peloton, commandé par un jeune officier, s’avança ensuite sur les bords de la fosse. Les paroles de commandement furent prononcées d’une voix forte et claire ; trois fois les armes furent déchargées sur la tombe, puis tout rentra dans le silence, et les assistans quittèrent le cimetière.


IV.

Quatre semaines environ après l’enterrement de Baldwin et de Bird, le bruit se répandit à Yokohama que l’un des assassins venait d’être arrêté. Cette rumeur fut presque aussitôt confirmée par un avis officiel émanant du consulat britannique. Le prisonnier se nommait Simidso Sedji ; on annonçait la publication prochaine de toutes les pièces de son procès : son arrestation, sa confrontation avec les principaux témoins, son jugement et sa condamnation. Quelques jours plus tard, les journaux anglais de Yokohama publièrent ces différens documens sous une forme succincte, mais qui permit de faire une sorte de contre-enquête. Grâce aux communications faciles entre Yédo et Yokohama, on apprit alors ce qui suit.

Sedji avait été arrêté dans une maison de thé de Sinagawa, un des principaux faubourgs de Yédo, et qui ne forme pour ainsi dire qu’un seul et vaste lieu de débauche. Il y avait logé d’abord quelques jours sans éveiller le moindre soupçon ; sa dépense était faible, il payait régulièrement et passait pour un officier licencié (lonine), comme il y en a beaucoup à Yédo et à Sinagawa. Sedji avait dit à son hôte qu’il attendait quelques amis avec lesquels il devait se rendre dans le sud. À Yédo, il ne semblait avoir aucune relation, la seule personne qu’il fréquentait était une des courtisanes de la maison, qu’il avait l’intention de racheter et d’emmener avec lui aussitôt que ses amis l’auraient rejoint. La maison était hantée par une foule de mauvais sujets ; presque chaque nuit y donnait lieu à quelque