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SIMIDSO SEDJI.

possible. Grâce aux Chinois de Fou-tchou, qui entretenaient depuis des siècles des rapports réguliers avec le Japon, grâce aussi aux renseignemens recueillis sur le commerce des Hollandais à Décima, l’on savait à peu près ce qu’il convenait d’envoyer au Japon, et ce que l’on pouvait espérer d’en retirer. On prit ses mesures en conséquence, et bientôt les Japonais virent arriver chez eux des bateaux à vapeur et à voile chargés de marchandises de toute nature, amenant dans ce pays si calme et si pacifique des hommes dont l’activité et la turbulence furent pendant longtemps pour les indigènes une cause toujours nouvelle d’étonnement.

Les nouveaux arrivés s’établirent à Yokohama tant bien que mal. Ils y trouvèrent de petites maisons en bois et en papier mises à leur disposition par le gouvernement japonais, et ils y rencontrèrent des marchands indigènes disposés à entrer en affaires avec eux. Des relations tout à l’avantage des étrangers s’ensuivirent ; ces hommes, accomplis dans leur genre, joignant à une expérience consommée des affaires une solide connaissance des marchés du monde, ne firent pour ainsi dire qu’une bouchée de tout ce qui se trouvait à Yokohama. Les ruses enfantines que les Japonais opposèrent à leur habileté furent pour eux un encouragement plutôt qu’un obstacle. Il aurait été, à leur sens, presque honteux d’acheter de l’or et de la soie à la moitié ou au quart de leur valeur intrinsèque, de vendre les produits de l’Europe trois et quatre fois le prix de revient, si, pour obtenir ces résultats, on n’avait été obligé de lutter quelque peu. La lutte ainsi engagée fut un jeu pour les étrangers, et, avant que les Japonais eussent pu reprendre haleine et se rendre compte d’un événement si extraordinaire, les anciennes pièces d’or avaient disparu de la circulation, et les soies, jadis abondantes au-delà de toute demande, étaient devenues d’une telle rareté qu’on les payait le double du prix auquel elles s’étaient maintenues au Japon durant des siècles.

Le gouvernement national s’émut d’un semblable état de choses. Avec une remarquable diligence, il fit une enquête spéciale, puis, s’entourant d’hommes compétens et de conseillers qu’il pouvait croire désintéressés, qu’il choisit en partie parmi les étrangers eux-mêmes, il prit des mesures pour empêcher l’appauvrissement du Japon et donner aux marchands indigènes le temps de se familiariser avec le modus operandi des commerçans étrangers. Cependant les quelques mois qui avaient suivi l’époque de l’ouverture du Japon avaient été si bien mis à profit, qu’ils avaient suffi pour créer une certaine opulence dans la colonie étrangère. Les nouveaux enrichis, après avoir enseigné aux Japonais comment il fallait s’y prendre pour gagner de l’argent, leur montrèrent alors de quelle