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à tour compter avec une race dont on ne prévient guère les explosions. Les Campaniens modernes ont conservé une égale aptitude à faire des révolutions, s’ils habitent les villes, et, s’ils habitent la montagne, à protester par le brigandage contre l’étranger et contre l’administration.

Il est vraisemblable que les Campaniens ont conservé leur originalité et leur type aussi énergiquement que les Étrusques dans le nord de l’Italie, les Gaulois en France, les Berbères en Afrique, les Basques en Espagne. Les races douées d’une vitalité particulière et qui méritent le nom d’autochthones absorbent et effacent les immigrations des autres races avec autant de facilité que la végétation d’un pays étouffe et fait disparaître les fleurs exotiques auxquelles la culture les force de céder momentanément la place. Une population nombreuse, d’un sang vif, d’un tempérament heureux, d’un caractère tranché, s’assimile sans peine des conquérans peu nombreux, détachés de leurs semblables, plus vite énervés par le climat. C’est au pied du Vésuve surtout qu’il faut tenir compte de l’action du climat sur les nouveau-venus. Certes le ciel du sud de l’Italie n’est pas plus beau que celui de la Grèce ou de l’Ionie, mais l’atmosphère offre des conditions très différentes. Les pluies douces et fréquentes, les variations brusques de la température, les vapeurs et les orages, l’air plus épais des plaines et le vent plus brûlant de l’Afrique, soumettent le corps à des alternatives qui le rendent sensible comme la corde d’une lyre, l’appauvrissent par l’excès de sensations, et développent le système nerveux aux dépens du système musculeux. L’état électrique d’un pays n’est pas assez compté dans les conditions extérieures qui agissent sur le développement ou la décadence d’un peuple. S’il est un lieu où l’électricité joue un rôle dans ces transformations, c’est assurément le golfe de Naples, terrain volcanique, exposé aux éruptions, aux émanations de gaz de toute sorte, aux tremblemens de terre ; l’électricité du sol y est plus violente et plus changeante que celle de l’air.

Les étrangers pouvaient résister à ces influences beaucoup moins que la race acclimatée depuis tant de siècles. Ils s’affaiblissaient de génération en génération, et leurs mariages avec les indigènes ne les régénéraient qu’au profit du type indigène, qui prédominait dans ces croisemens. Les Grecs, si sobres chez eux, si dédaigneux de la grossièreté de la matière, s’énervèrent eux-mêmes dans le sud de l’Italie. Leurs colonies les plus prospères finirent dans une honteuse mollesse. Les Grecs du golfe de Naples subirent la même loi ; ils n’avaient plus, du reste, de liens avec la mère-patrie et n’en recevaient aucun contingent d’hommes, tandis que les Campaniens se recrutaient sans cesse dans la montagne et en tiraient un sang nou-