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ÉTUDES
DE MŒURS ROMAINES
SOUS L’EMPIRE

JUVÉNAL ET SON TEMPS.


I. Études sur les poètes latins de la décadence, par D. Nisard, 3e édit. ; Hachette. — II. Juvénal et ses satires, par A. Widal ; Didier.


L’opposition que les Césars rencontrèrent à Rome, nous l’avons montré, n’était pas républicaine[1]. Les mécontens acceptaient l’empire, ils ne contestaient pas aux empereurs leur autorité absolue ; ils leur demandaient seulement de l’exercer avec plus de douceur et d’humanité, de consulter davantage le sénat, d’écouter l’opinion et de s’accommoder d’une certaine liberté de parler et d’écrire. Ces désirs étaient modérés, et il ne fut pas difficile aux Antonins de les satisfaire. Depuis l’avénement de Nerva jusqu’à la mort de Marc-Aurèle, pendant près d’un siècle, Rome a joui de ce gouvernement tempéré qu’elle souhaitait, et cette époque est restée comme une sorte d’âge d’or dans ses souvenirs. C’est pourtant à l’aurore de ces beaux jours, au moment où Rome devait être le plus sensible à ce bonheur qui lui était inconnu, qu’une voix discordante et emportée s’élève, qui accuse son temps avec une violence inouïe, et qui voudrait nous faire croire que jamais l’humanité n’a été si criminelle ni si misérable. Juvénal est un problème pour nous. Quand on songe

  1. Voyez la Revue du 15 janvier, l’Opposition sous les Césars.