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UN CONGRÈS INTERNATIONAL.

petit monde scandinave, monde parfaitement distinct, qui a manifesté sa forte autonomie dans presque toutes les directions, qui a eu ses jours d’expansion et de gloire, et n’a été entraîné qu’assez tard dans le grand tourbillon qui nous emporte tous.

Toutefois, et malgré ce qu’il y avait d’indépendance fondamentale dans la civilisation scandinave, elle n’a pu échapper entièrement aux influences extérieures. Les civilisations méridionales, plus avancées, agissaient sur elle à distance, et les monumens en portent l’empreinte. Dans le catalogue raisonné qui nous a été distribué, dans ses communications orales, M. Engelhardt a montré au-delà des temps gothiques et du Ve au VIIIe siècle une inspiration byzantine ou plutôt orientale se trahissant par l’ornementation de l’orfèvrerie et des bijoux. Antérieurement, dans le premier âge du fer, l’action romaine est souvent indiquée par la réunion sur le même objet de caractères accusant un art tout national et de traits empruntés au style classique. L’âge du bronze, l’âge de la pierre polie même, ont prêté à des observations analogues faites par divers membres du congrès, et de là sont nées des discussions qui ont motivé une résolution dernière.

M. Henri Martin a réclamé en faveur de l’art gaulois, et a montré la race gauloise dominant dans toute l’Europe occidentale, dans la Haute-Italie et jusque dans la vallée du Danube à l’époque du premier âge du fer danois. Cet âge commence d’ailleurs vers le iiie siècle, et là nous sommes en pleine histoire, nous sortons des études préhistoriques. Évidemment M. Martin est dans le vrai pour quiconque se place en dehors du monde scandinave, au point de vue européen. En Danemark, il en est autrement, et cela même démontre une fois de plus la nécessité de ne prendre toutes ces divisions que dans un sens relatif et restreint. De son côté, M. Nilsson a cherché à montrer que quelques-unes des figures gravées sur le monument de Kivik (Suède) représentent des haches de l’âge du bronze placées à titre d’hommage, après un combat, à côté de la pyramide de Baal. Il y voit une preuve de plus en faveur de son opinion sur le rôle joué par les Phéniciens dans le nord de l’Europe. L’illustre archéologue admet que ce sont eux qui ont apporté dans ces lointaines régions le bronze et les industries qui l’accompagnent. M. Worsaae est bien loin d’adopter cette manière de voir. Il pense que le berceau de la civilisation caractérisée par l’emploi de cet alliage est bien plutôt vers l’est de l’Europe, ou même dans l’intérieur de l’Asie, où se rencontrent en abondance, en même temps que l’or, les deux élémens du bronze, le cuivre et l’étain[1].

  1. The Antiquities of South-Jutland.