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UN CONGRÈS INTERNATIONAL.

Sans doute, répond M. Worsaae, les habitans d’une même contrée présentent, et ont dû présenter de tout temps, une certaine inégalité de richesse et de développement. Toutefois ces différences sont d’autant plus prononcées que la civilisation a fait de plus grands progrès dans les classes qui occupent la tête du corps social. Chez les peuples sauvages ou à demi sauvages, elles sont bien moins considérables. C’est ce qui résulte des faits constatés par tous les voyageurs. Les différences de condition, d’habitation, exercent en outre une influence évidente. Or comment admettre que les petites îles danoises et même la presqu’île du Jutland aient nourri des peuplades juxtaposées sur des espaces aussi étroits, aussi uniformes presqu’à tous égards, et que ces tribus soient pourtant restées distinctes pendant un temps aussi considérable que le suppose la formation des kjœkkenmœddings, la multiplication des tumuli ! Peut-on admettre que des fractions d’une même population, encore bien peu civilisée, aient présenté pendant des siècles la différence constante mise en évidence par l’étude de ces deux sortes de monumens ? Ces deux hypothèses sont contredites par tout ce que nous voyons de nos jours.

La difficulté de chasser les animaux de grande taille avec des armes en apparence insuffisantes, répond encore M. Worsaae, n’est pas aussi grande qu’elle peut le paraître d’abord. L’intelligence humaine supplée à la faiblesse des moyens matériels. Avec leurs armes d’os et de pierre taillée, les Esquimaux viennent à bout de la baleine elle-même. Les habitans de l’Afrique australe tuent le rhinocéros, bien autrement redoutable que l’urus, en le faisant tomber dans une fosse pêle-mêle avec d’autres grands gibiers. L’homme des kjœkkenmœddings a pu employer un moyen analogue. Quant à l’impossibilité de travailler les os de ces animaux avec des éclats de pierre sans y laisser de stries, des expériences récentes ont prouvé qu’elle n’existe pas. Le tranchant des couteaux en silex éclaté est très affilé et résiste peut-être mieux que celui des pierres polies, qui s’écaille facilement. Quant à l’hypothèse émise par M. Steenstrup pour expliquer la différence des faunes des kjœkkenmœddings et des dolmens, elle est bien difficile à admettre. Ce n’est pas seulement en Danemark que les derniers contiennent des ossemens d’espèces domestiques autres que le chien. Des faits absolument pareils ont été constatés dans toute l’Europe sud-occidentale et aussi en Suède. Il serait bien étrange que partout les renards eussent joué le rôle que leur attribue M. Steenstrup. D’ailleurs M. Hildebrand vient de trouver dans les dolmens du Westergothland (Suède) des ossemens de mouton travaillés, des dents de cochon perforées. Ces animaux accompagnaient donc certainement