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UN CONGRÈS INTERNATIONAL.

ces os furent rongés exactement comme ceux qu’on trouve en si grand nombre dans les kjœkkenmœddings. Le corps des os longs, sec et dur, resta seul ; tout le surplus de la charpente osseuse fut broyé et avalé.

Ainsi à son arrivée en Danemark l’homme était accompagné du chien, qui, là comme toujours, profitait des repas de son maître ; mais il n’avait pas d’autre compagnon. Aucun reste de mammifère ou d’oiseau domestique n’a été trouvé dans les kjœkkenmœddings. Bien plus, certaines espèces qui vivent en grande partie aux dépens de l’homme ou qui se font volontiers ses commensales, le moineau, les hirondelles de fenêtre et de cheminée, la cigogne, toutes aujourd’hui communes en Danemark, manquent également. Leur absence est aussi significative que la présence de certaines autres. Le peuple dont nous étudions les restes ne cultivait pas de céréales, sans quoi le moineau n’eût pas manqué de venir en prélever sa part ; ses habitations n’offraient ni aux hirondelles ni aux cigognes les dispositions nécessaires à l’établissement de leurs nids ; elles ne l’avaient pas suivi. Il était essentiellement chasseur, et traquait non-seulement le sanglier, le chevreuil, le cerf, mais aussi l’urus, bœuf sauvage maintenant éteint, et qui devait être d’une taille et d’une force remarquables. Ce même peuple était aussi pêcheur, et cela même explique pourquoi, libre de tout ce qui attache au sol, il n’était pourtant pas nomade. Il avait des demeures fixes, là sans doute où la richesse des côtes assurait sa nourriture, et passait sur place l’année entière. C’est ce que permettent d’affirmer les bois de cerfs et de chevreuils, présentant tous les degrés de leur développement annuel, qu’on trouve à côté des os. Il connaissait le feu et faisait cuire ses alimens à des foyers de pierre encore en place. Enfin les recherches de Forchammer ont montré qu’il employait un sel assez pur obtenu par un procédé en usage il y a deux siècles, et qui consiste à arroser d’eau de mer les cendres de la zostère marine, puis à recueillir les efflorescences produites par l’évaporation.

L’homme des kjœkkenmœddings, tel que l’a fait connaître M. Steenstrup, est-il contemporain de celui qui a poli ses haches et ses ciseaux, taillé, transporté, dressé des pierres colossales, et bâti les chambres sépulcrales désignées sous le nom de dolmens ? Oui, répond l’éminent zoologiste. Bien plus, ajoute-t-il, il se pourrait que les deux peuples n’en fissent qu’un ; il se pourrait que ces constructions, regardées seulement comme des caveaux funéraires, eussent été d’abord une forme d’habitations. Il est vrai que les amas de coquilles et d’ossemens ne présentent à peu près constamment que des outils très grossiers en pierre simplement éclatée ; pour-