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lorsque la chambre sera réunie, ils faisaient échouer par une coalition coupable contre le gouvernement des projets de travaux qui peuvent sauver leur pays, ils le perdraient une seconde fois.

Espérons que les politiques grecs ne feront pas d’opposition au ministère sur la question des travaux publics, et n’effraieront pas maladroitement les capitaux qui s’offrent à eux. La compagnie française terminera en deux années ce canal de Corinthe, que toute l’antiquité a désiré sans pouvoir l’obtenir. Cela coûtera une quinzaine de millions et en rapportera un ou deux : petite affaire, mais grande par les résultats, car du moment où cette compagnie sera bien assurée de sa propriété, elle aura un intérêt majeur à construire les chemins de fer, et je crois savoir qu’elle se propose en effet d’en ouvrir immédiatement la portion la plus importante. La Grèce alors jouira de l’instrument de civilisation et de sécurité le plus puissant. Le brigand fuit devant le chemin de fer comme la bête du désert ou le sauvage devant l’homme civilisé.

C’est une utopie, dira-t-on ; cette compagnie perdra là ses capitaux, les chemins de fer ne s’achèveront pas, et les bandits resteront. — J’ai déjà, il y a un an, appelé l’attention sur ce point, et je me permettrai de dire que la péninsule hellénique est un des pays de l’Europe les moins connus des Européens. On ne sait pas que si les rivages sont âpres, l’intérieur est fertile et productif, que si Athènes et le Pirée ont ensemble 60,000 habitans, Salonique à elle seule en a plus de 80,000, et qu’entre les deux s’étendent la Béotie, la vallée de Sperchius et la Thessalie, qui comptent parmi les meilleures terres du monde. Il faut aussi considérer que du jour où le canal de Corinthe sera ouvert, il se formera nécessairement dans son voisinage un vaste entrepôt, et que là se chargeront et se déchargeront des trains partant les uns pour la Turquie, le Danube et le nord, les autres pour Trieste, c’est-à-dire pour l’Autriche, la Bavière, la Prusse et même pour la France et l’Angleterre, car nul point de l’Europe n’est plus rapproché du canal de Suez et de l’Orient. Le gouvernement autrichien est décidé à construire la ligne allant de Trieste par la côte à la frontière ottomane ; le gouvernement turc n’a plus besoin qu’on le stimule, le sultan a compris que sa plus grande affaire est celle des routes, et que tout chemin de fer construit sur son territoire est un bienfait pour son empire.

L’avenir de la Grèce, sa prospérité et sa sécurité sont en grande partie entre les mains de ses ministres et des compagnies industrielles de l’Europe. Cet avenir est assuré, si elle a des députés intelligens et dévoués à leur pays. Nous les verrons à l’œuvre l’hiver prochain. La Grèce à cette époque aura fait un grand et louable effort contre le brigandage ; la plupart des bandes auront été