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immédiats de ces malfaiteurs ; ce sont eux qui les dirigent de montagne en montagne, qui leur donnent des informations, qui les nourrissent au besoin, et qui, par les laitiers, leur servent de médiateurs avec les villes. Les brigands sont parmi eux en pays ami ; dans l’autre système, ils ne rencontreraient en route que des ennemis.

Avant que le gouvernement grec ait rédigé son projet de loi, avant que la chambre l’ait discuté et voté, avant qu’il soit mis à exécution complète et définitive, il peut se passer beaucoup d’années, pendant lesquelles le pays continuera d’être la proie des malfaiteurs. Il est évident que jusqu’à ce jour l’état n’a qu’un seul moyen d’action, la répression par la force, la terreur retournée contre ceux qui l’inspiraient. Cette répression doit être double, militaire dans la montagne, judiciaire dans les villes, les villages et les bourgs. Depuis quelques semaines, le gouvernement grec a lancé contre les bandes à peu près tout ce qu’il a de soldats, S’il en faut davantage, qu’il en recrute ; si cela ne suffit pas pour détruire ou chasser les malfaiteurs, qu’il arme des citoyens choisis, honnêtes et vaillans, et que cette garde vraiment nationale soit assez redoutée pour que des criminels n’osent plus venir s’enivrer chez des maires de campagne ou se faire donner des branches de myrte par le prêtre le jour des rameaux. Il faut aussi que, par des mesures administratives rigoureuses, on fasse sentir à ces nomades qu’ils ne sont pas chez eux, que la société les tolère pour un temps, mais qu’elle est décidée à les exclure de son sein, et qu’elle agira contre eux avec une extrême rigueur à la moindre nouvelle d’un crime ou d’un délit qu’ils auraient commis. Il faut enfin que l’on s’efforce de redresser les idées de ces esprits fourvoyés, qu’ils en viennent à regarder comme honteux ce qui est honteux, à ne pas appeler bravoure ce qui est crime. C’est aux prêtres d’opérer cette transformation morale ; la Grèce en est richement pourvue, qu’ils sachent au moins se rendre utiles à leur pays ! Il ne suffit pas, pour être bon pasteur, de jeter de l’eau bénite sur des cadavres et de dire aux âmes des morts : « Allez en paix. »

Les Grecs savent très bien aussi, quoique plusieurs le nient, qu’il y a des coupables dans les villes, dans les villages et dans les hameaux, Je ne parle pas de ceux qui par peur se sont laissé dominer par les brigands ; ils ont quelque droit à l’indulgence : il est impossible en certains cas à un homme de se défendre tout seul, il faut qu’il sente derrière lui une force publique prête à le soutenir. En revanche, s’il y a des personnes qui aient fait cause commune avec les brigands et qui leur aient demandé des services, la plus simple justice veut que ces crimes ou ces délits ne restent pas impunis. Je n’ignore pas qu’une enquête de ce genre est difficile et peut-être périlleuse. Nous sortons à peine de l’âge du palicarisme, et il peut